lundi 28 décembre 2015

La lumière et l’humeur


La lumière joue un rôle essentiel à la vie et son influence sur tous les organismes vivants est indéniable. Chez les plantes, par exemple, on retrouve notamment la photosynthèse, un processus organique de conversion du CO2 en oxygène énergisé par la lumière du soleil.

Chez l’humain, comme chez d’autres primates, la lumière du jour influence les rythmes circadiens. Du latin « circa diem », qui signifie « environ un jour », un rythme circadien est un rythme biologique d’une durée approximative de 24 heures qui régule certains mécanismes endogènes comme l’alternance veille-sommeil, la température corporelle ou encore la circulation sanguine.

Alors que les études en chronobiologie tendent à démontrer qu’il existe plus d’une horloge biologique régulant diverses fonctions régulatrices (voir aussi Les rythmes de corps), les rythmes circadiens, dont les gènes de l’ADN ont été identifiés, sont d’ailleurs eux-mêmes activés chez le nouveau-né par la présence de la lumière qui agit comme déclencheur.

L’absence de lumière ou la baisse de luminosité automnale (que l’on connaît bien au Canada) provoque ainsi la sécrétion de mélatonine, aussi appelée hormone du sommeil. Dérivée de la sérotonine, cette hormone maîtresse agit sur de nombreuses fonctions physiologiques dont l’appétit, l’immunité et, évidemment, l’alternance veille-sommeil. Cette perturbation des rythmes circadiens provoque chez plusieurs l’émergence de la dépression saisonnière.

Alors qu’en Grèce antique on croyait que les « humeurs » correspondaient à des fluides corporels dont le déséquilibre causait la maladie (voir Les humeurs, ces « fluides » du corps), on comprend aujourd’hui que l’humeur, à l’instar du climat, est influencé par de nombreux facteurs physiques, cognitifs, émotionnels, sociaux et environnementaux. Autrement dit, l’humeur est à l’organisme humain ce que la météo est à une région, soit un mouvement incessant de perturbations sur fond de temps clément, le soleil étant toujours au cœur de ces variations.


lundi 14 décembre 2015

Parfums du passé


Même si le sens de la vision domine aujourd’hui nos vies et notre cerveau, l’odorat demeure néanmoins fondamental à notre qualité de vie, étant intimement lié à la mémoire et aux émotions.

Comme pour la majorité des animaux, le sens de l’odorat joue un rôle primordial à la compréhension de notre environnement. Il permet notamment de détecter une nourriture périmée, d’identifier certains dangers (émanations de gaz ou substances toxiques, fumée d’incendie, etc.), de reconnaître une odeur réconfortante, ou même de repérer un partenaire sexuel favorable (voir Les phéromones ou la chimie des peaux).

Les odeurs désagréables, voire les aversions, sont également perçues par l’organe du nez, servant ainsi de compas social, émotionnel et psychologique. On flaire par exemple une bonne affaire ou on ne peut plus « sentir » quelqu’un (à ce propos, vous pouvez également consulter la chronique Subodorer).

Cette facilité à réagir promptement et même fortement à certaines odeurs s’explique du fait que le traitement des informations olfactives est étroitement lié aux aires émotionnelles.


Les voies de l’odorat

Les odeurs sont d’abord captées par des cellules réceptrices situées dans la cavité nasale. Conduites sous forme d’influx nerveux via le nerf olfactif, les informations rejoignent la partie supérieure du cerveau en passant par les bulbes olfactifs. Sorte de relais aux voies olfactives, les bulbes olfactifs font partie intégrante du système limbique, siège des émotions, du désir et de l’instinct.

Situé sous les hémisphères cérébraux, le système limbique se compose de diverses structures cérébrales qui régissent les émotions, les pulsions, l’agressivité et les comportements instinctifs. Outre les bulbes olfactifs, il comprend notamment l’amygdale, siège de la peur et de l’agressivité, et l’hippocampe, qui joue un rôle actif à la formation des mémoires à long terme. D’ailleurs, des études ont démontré que certains souvenirs olfactifs liés à l’enfance demeuraient intacts chez des personnes atteintes d’amnésie.

Les voies de l’odorat sont si intimement liées à la mémoire que, de fait, seules deux synapses séparent le nerf olfactif de l’amygdale et trois de l’hippocampe! Autrement dit, seulement trois et quatre cellules nerveuses, respectivement, séparent les cellules réceptrices aux structures limbiques. Comme quoi, le sens de l’odorat est essentiel à notre bon fonctionnement, nous permettant de sentir, de ressentir et de se souvenir.

lundi 30 novembre 2015

L’effet placebo ou le pouvoir de l’espoir


« Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir » nous dit le proverbe. Le contraire est aussi vrai.

De nombreuses études ont démontré l’effet placebo, à savoir qu’un produit neutre, administré tel un médicament ou substance thérapeutique, peut avoir un effet positif sur le traitement de la maladie et donc sur la santé. À cet égard, notons qu’un médicament actif contient lui aussi une part « placebo ». En effet, on observe que la prise du médicament, dans certains cas, peut apporter un soulagement au patient, et ce, avant même que l’agent actif qu’il contient n’ait été absorbé par l’organisme.

On attribue l’effet placebo au pouvoir de la suggestion, c’est-à-dire à l’attente favorable créée par la prise du médicament. Or, n’est-ce pas là la définition même de l’espoir? Attendre avec confiance?

L’espoir est un puissant moteur de l’esprit humain qui consiste en l'attente d'un futur meilleur. Il soulève la motivation, procure de l’énergie, donne des forces. À lui seul, l’espoir peut revitaliser l’esprit-corps, l’organisme tout entier, et ranimer la flamme vitale.

Cette disposition de l’esprit s’oppose à la résignation et au sentiment d’impuissance - les concepts de « helplessness & hopelessness » largement étudiés en psychologie pour leurs effets nocifs sur la santé - qui contribuent à la stagnation de l’énergie vitale. Habituellement, lorsqu’il n’y a plus d’espoir, c’est que la mort est proche.

Essentiellement, avoir de l’espoir, c’est avoir la foi. C’est croire en des jours meilleurs, en cette lumière au bout du tunnel. Cela exige de prendre son courage à deux mains et de continuer à avancer, un pas à la fois, dans la foi, l’optimisme et l’espérance.

Car tant qu’il y a de l’espoir, il y a de la vie.


lundi 16 novembre 2015

Main dans la main


On la tend, on la prête ou encore on la donne, la main est un organe multifonctionnel, à la fois symbole de travail et d’autorité, mais aussi d’entraide et d’affection.

De toutes les parties du corps, la main est sans aucun doute l’une des plus affairée. On l’utilise pour exécuter d’innombrables tâches et travailler. Armée de ses doigts agiles et d’une fine dextérité, la main permet de confectionner, couper, trier, rapiécer, bricoler, etc. Elle sert entre autres à cuisiner, à pianoter un air nouveau ou tout simplement les touches du clavier de l’ordinateur.

On parle ainsi de main d’œuvre en se référant à la masse ouvrière, à tous ces employés, travailleurs et travailleuses, qui mettent la main à la pâte pour gagner leur pain, joindre les deux bouts et faire « rouler l’économie ».

En ce sens, la main est un symbole d’activité, d’ouvrage et de réalisation, un instrument de travail, d’effort, d’exécution et de création. Un individu avec les mains dans les poches n’a habituellement rien à faire, errant au gré du temps.

La main est également un symbole d’autorité, de pouvoir ou même d’abus. C’est la main haute de la justice, celle qui permet de mettre la main au collet des malfaiteurs, ou bien la main oppressante du salut nazi.

Puissante, voire dominante, cette main est capable de force et de violence. Elle peut gifler, frapper, battre l’autre, qu’il soit victime ou adversaire, se transformant ainsi en une arme robuste, le poing (voir aussi Le poing victorieux vs coléreux).

Cette dernière fonction de la main s’oppose à celle de l’entraide, de la coopération, du toucher et de l’affection, cette main forte que l’on prête, qui s’allie à celle de l’autre, et que l’on serre tendrement.


lundi 2 novembre 2015

L’image du corps


À l’époque des Grecs, le corps était célébré pour sa force et ses capacités physiques. On le constate notamment par la tenue des Olympiques ou encore dans les arts - la sculpture en particulier, où le corps apparaît massif et puissant. La beauté du corps reposait inévitablement sur sa structure et ses habiletés.

Aujourd’hui, c’est l’image du corps qui prime. Depuis l’avènement de l’espace virtuel, l’intimité est devenu pour plusieurs un espace public (voir aussi Être dans sa bulle) au centre duquel l’individualisme, l’égocentrisme et le narcissisme règnent glorieusement. L’être narcissique recherche toujours son propre reflet dans le regard de l’autre, au détriment du développement de forces intérieures. Quoi de plus accessible, somme toute, que de briller sous les feux de projecteurs virtuels à coup de « j’aime ».

Outre l’étalage de ses goûts et de ses préférences en matière de musique, cinéma, etc., des révélations personnelles et des exhibitions de toutes sortes, les « selfies » pullulent. La perche à égoportrait (« selfie stick ») est le nouveau gadget à la mode et les « I-machins » se multiplient avant les besoins.

Dans une société dite moderne, où le « je » est roi, ce qui compte c’est la diffusion de l’image du corps, soit une représentation bidimensionnelle, généralement tronquée ou retouchée, servant à attirer le regard de l’autre et faire grimper sa « popularité » jusqu’à la « célébrité ».

Au 21ième siècle, bref, plus besoin d’accomplir quoi que se soit, de penser ou même de réfléchir. Exister, c’est être vu.

Une image vaut-elle encore mille mots?


lundi 19 octobre 2015

Le talon d’Achille


En Grèce antique, Achille aurait été plongé dans les eaux du Styx par sa mère qui voulait le protéger de la mort. Le tenant par la cheville durant l'immersion, cette partie du corps demeura vulnérable, d’où l’expression le talon d’Achille.

Le talon d’Achille exprime une zone de grande vulnérabilité, un point faible physique ou psychologique pouvant mener à sa perte. Certains tentent tout simplement d’ignorer cette faiblesse, d’en faire fi, tandis que d’autres se munissent d’une puissante carapace sous forme d’apathie ou d’insensibilité, physique ou affective, pour mieux pallier au manque (à ce propos, vous pouvez aussi consulter « L’hypersensibilité »).

Or, le talon d’Achille peut également dissimuler une force inestimable. Plus souvent qu’autrement, c’est de cette zone fragile que surgit la résilience, une force capable de renverser toute situation.

Ce point faible peut donc en réalité être le point de départ d’une réelle transformation (voir aussi Muer ou changer de peau). De toute évidence, cela exige un véritable effort, un investissement de longue haleine ou en profondeur. Pour citer Boris Cyrulnik, éthologue et psychiatre français bien connu pour ses ouvrages sur la résilience : « Une vulnérabilité affective peut se transformer en force affectueuse, à condition d’y mettre le prix » (1).


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(1) Un merveilleur malheur (1999). Paris: Odile Jacob, p.92.

lundi 5 octobre 2015

Freeze! Le figement


Le mouvement attire le regard. C’est le stimulus le plus fondamental du sens de la vision. Pour cette raison, face aux dangers ou à une menace probable, l’être humain fige. Aux côtés des réactions de combat et de fuite, c’est là une des réactions automatiques du corps servant l’instinct de survie.

D’un point de vue évolutif, le figement est la réaction la plus primitive du corps humain et animal. En plus de prévenir la détection, l’immobilisation facilite le camouflage.

C’est l’émotion de la peur qui est responsable de son déclenchement. On dit par exemple être « glacé de peur », « blanc de peur » ou encore, en anglais, « Frozen like a deer in headlights ». Dominante, froide et extrêmement puissante, la peur paralyse le corps. Elle glace le sang, avorte tout mouvement et inhibe même certaines fonctions vitales, comme la faim et la digestion par exemples (voir aussi La peur au ventre). En infligeant une immobilisation, un arrêt subit et immédiat de tout mouvement, l’émotion de la peur sert ultimement un rôle de protection.

Tout comme les réactions automatiques de combat et de fuite, le figement est gouverné par le système nerveux sympathique. Mais contrairement aux deux autres réactions, l’individu est paralysé et les mouvements corporels deviennent impossibles.

Or, sous le couvert de l’immobilité, l’organisme subit néanmoins une forte activation physiologique. Il s’agit là d’un état interne de haute alerte, un engagement physiologique intense, mobilisant toute l’attention. Autrement dit, malgré l’absence de mouvement externe, la personne se retrouve sous haute activation interne.

Physiologiquement parlant, les réactions automatiques du corps de combat, de fuite et de figement s’opposent à la réaction d’évanouissement régie pour sa part par le système nerveux parasympathique (voir aussi S’évanouir ou fuir sans courir).

Inscrites en nous à différents degrés et selon les contextes, il reste à savoir si vous êtes plus sympathique ou parasympathique.


lundi 28 septembre 2015

Dans les bras de Morphée


Il y a maintes façons d’évaluer la qualité de vie humaine. On peut tenir compte de différents facteurs environnementaux, comme la situation géographique et socio-économique par exemples, en plus du bagage génétique reçu à la naissance. Mais d’un point de vue psycho-physiologique, la qualité de vie de tous les êtres humains dépend invariablement d’un sommeil profond et réparateur. Les insomniaques s’amusent-ils vraiment?

Le sommeil demeure l’une des questions les plus obscures de la psychologie et de notre compréhension de l’être humain. Aujourd’hui encore, il est difficile de comprendre pourquoi l’organisme humain a besoin d’être plongé dans un état de sommeil profond durant lequel le corps est immobile, voire paralysé, pendant que le cerveau s’affaire à réorganiser les informations reçues et emmagasinées, tout en projetant des images en boucle sous formes de rêve.

Ce qui est clair toutefois, c’est que tous les organismes vivants sont affectés par la lumière. Chez l’humain, l’alternance veille-sommeil est non seulement fondamentale à la vie et à la survie, mais les rythmes circadiens jouent un rôle primordial dans la libération d’hormones, messagers chimiques qui agissent sur les glandes et certains organes, affectant entre autres l’humeur.

Notre rapport à la lumière et aux variations jour-nuit est si déterminant que la privation du sommeil est utilisée comme moyen de torture - ce n’est tout de même pas peu dire -, le but étant de perturber les rythmes naturels du corps, et par surcroît le métabolisme et la santé (voir aussi Les rythmes du corps).

En réalité, le sommeil est plus que réparateur, c’est le meilleur remède du corps-esprit. Les études sur les cycles du sommeil ont par ailleurs démontré que le sommeil paradoxal, dit période de REM (Rapid Eye Movement), doit être atteint pour en retirer tous les bénéfices.

Comme quoi, il est nécessaire de rêver.

lundi 21 septembre 2015

Savourer le moment


Étroitement lié au sens de l’odorat, le goût est un sens chimique servant à percevoir les saveurs. Son organe principal, la langue, est tapissé de papilles gustatives qui permettent de capter et de distinguer les différents stimuli, qu’ils soient salé, sucré, amer, acide ou umami.

Le nez participe également à la tâche en détectant les flaveurs, c’est-à-dire l’odeur des saveurs. Cela explique pourquoi la congestion nasale a un impact direct sur notre expérience gustative. À cet égard, notons que le nez se plisse automatiquement dans les situations de dégoût (voir Subodorer ou Piloérection et horripilation).

Comme avec la nourriture, les délices de la vie doivent être appréciés avec langueur. Laisser fondre sur la langue, déguster pleinement, exige temps et attention.

Respirer par le nez, c’est aussi savourer les effluves du temps qui passe.

lundi 15 juin 2015

Farniente


Ne rien faire est un art, une pratique bénéfique pour le corps-esprit. C’est bien souvent durant ces moments dits « morts » que les meilleures idées surgissent, que l’inspiration émerge.

Affranchie de toute pensée envahissante, libre du sentiment de précipitation (voir Accro à l'adrénaline), l’essence de l’être se révèle, se déploie allègrement.


« Rien, quand je n’ai rien cherché j’ai tout trouvé, quand je n’ai rien voulu j’ai tout eu. »
- Jean de la Croix


La chronique fera relâche durant la saison estivale.

lundi 8 juin 2015

La chaleur corporelle


Dans une perspective dualiste, où le corps s’oppose à l’esprit, la chaleur corporelle symbolise une victoire du corps sur l’esprit, et donc contraire à la raison. Conséquemment, elle est associée aux forces du Mal, à l’emportement et à la folie.

À l’origine, on utilisait l’expression « passions du corps » pour désigner les émotions humaines qu’il fallait dominer grâce aux vertus de la pensée logique et rationnelle. « La colère, comme toutes les passions, est d’abord un état du corps », écrivait le philosophe Friedrich Nietzsche (1844-1900).

Par leur pouvoir « sur le corps », toute « passion du corps » représente une menace certaine pour l’être humain, celle de lever le voile de la raison. Entrant ainsi dans le monde de « l’irrationnel », les émotions - en particulier la colère - symbolisent la perte de contrôle de soi et de l’esprit.

Il en est de même avec la chaleur corporelle qui laisse présumer un « corps en chaleur », et donc un être sexué et sexuel. Dans un discours judéo-chrétien, fondamentalement dualiste, c’est par le corps que l’être humain pèche contre l’esprit (ou Esprit*), enfreignant ainsi la loi divine.

Siège des pulsions primitives et des « bas instincts », le corps est considéré le véhicule des forces du Mal. Il incarne non seulement la finitude de l’être - « Tu es poussière et tu retourneras poussière », alors que l’âme, elle, immortelle, s’élève au Ciel -, mais il est aussi porteur du désir charnel. Dans ce contexte, toute forme de chaleur montante et d’échauffement des sangs est une « allumeuse » du brasier des désirs ou de pulsions irrépressibles incontrôlables, susceptibles de faire basculer l’être humain dans le péché.

La chaleur corporelle suggère par ailleurs un corps « possédé », un être « habité », soit par la maladie (la fièvre par exemple), soit par des forces extérieures surhumaines, voire diaboliques. Nous renvoyant ainsi au « Feu du Mal », une hausse de la température corporelle signale une présence maléfique comme dans l’expression « avoir le diable au corps ».

C’est ce corps torride et « indomptable » qu’il faut soumettre à la douche froide, au bain glacial, afin de tempérer les ardeurs, garder son sang-froid, et surtout, retrouver le contrôle de soi et sur soi.

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*Notons que « Saint-Esprit » nous renvoie également à la notion d’un esprit sain, s’opposant au corps « malsain ».

lundi 1 juin 2015

Momentum et inertie


En physique, le momentum est une quantité de mouvement. Il fait référence à l’impulsion reçue d’un objet ou d'une masse.

Dans la vie de tous les jours, le momentum se manifeste par une opportunité, un événement extérieur à soi. Que se soit par chance ou par providence, on reçoit alors un élan, une force externe qui n’a rien à voir avec la volonté. Comme si la Vie nous envoyait un coup de pouce, un coup de main, ou encore une petite poussée pour démarrer, on avance fièrement avec le sentiment d’avoir le vent dans les voiles.

Divers éléments peuvent toutefois nous faire perdre le momentum et ainsi freiner notre avancée. La peur, le doute ou la rumination peuvent ralentir un mouvement, voire l’avorter, et paralyser.

Puissante émotion primaire, la peur est capable à elle seule de figer tout mouvement (voir « La peur au ventre »). Les pensées excessives et des états émotionnels passagers comme l’angoisse, l’anxiété ou la dépression, par exemples, créent pour leur part de la turbulence dans les mouvements, perturbant alors le flux naturel du courant vital.

Aux antipodes du momentum se trouve un autre phénomène de la mécanique classique, l’inertie. Celle-ci évoque la résistance d’un corps ou d’une masse aux variations de vitesse. Au quotidien, l’inertie prend la forme d’un corps sans énergie, incapable de mouvement ou résistant à tout changement de vitesse ou de direction.

En psychologie, on parle alors de résistance au changement, une notion freudienne qui fait référence à cette profonde difficulté qu’a l’être humain à changer ses habitudes et comportements. Outre l’énergie qu’elle exige, l’effort énorme qui doit y être investi, la résistance peut également engendrer de la souffrance, de la douleur, un sentiment d’échec ou bien un état de torpeur (1).

Car la Vie elle-même est en mouvement, un courant énergétique en déplacement continu. Vouloir contrôler ou diriger ce flux vital, tout comme le passage du temps, est non seulement impossible, mais source potentielle de tension et de déséquilibre.

Il est donc préférable, et même bénéfique, de suivre ce courant vital, d’aller avec lui, de se laisser porter par lui et, comme on dit en anglais, « Go with the flow ».


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(1) La dépression peut aussi être la cause d’une immobilisation de l’organisme humain. Il ne s’agit donc pas, dans ce cas, de résistance aux changements, mais bien d’une maladie altérant la biochimie du cerveau.

lundi 25 mai 2015

Les deux font la paire


Toute la génération « Passe-Partout » (1) se souvient de la comptine : « J'ai deux yeux. Tant mieux. Deux oreilles. C'est pareil. Deux épaules. C'est drôle. Deux bras. Ça va. Deux fesses. Qui se connaissent. Deux jambes. Il me semble… »

Ce qu’enseignait cette chanson, en des mots simples, c’est que le corps est bilatéral.

Le corps humain possède deux côtés (voir aussi Le côté gauche). Outre les membres et leurs extrémités (deux bras, deux mains, deux jambes, deux pieds), on retrouve également de nombreux organes doubles répartis sur chaque côté du corps comme les poumons, les reins, les trompes (tant de Falope que d’Eustache…), les gonades (i.e. ovaires et testicules), certains organes sensoriels (deux yeux, deux oreilles, un seul nez mais deux narines) et alouette.

Cette parité se répète d’ailleurs dans tout l’espace corporel. Nous possédons deux cerveaux (voir Les deux cerveaux du corps humain), et le cerveau cognitif, qui abrite d’ailleurs de nombreuses structures cérébrales paires comme l’amygdale, le thalamus et l’hippocampe par exemples, est également constitué de deux hémisphères, le droit et le gauche.

Mais l’aspect le plus fascinant de cette bilatéralité corporelle demeure sans contredit son asymétrie. En effet, les deux côtés du corps sont loin d’être identiques comme un Rorschach ou une image réfléchie dans un miroir. Le visage, c’est bien connu, est asymétrique. Mais saviez-vous qu’il en est de même pour le cerveau?

Non seulement les deux hémisphères sont différents, mais leur asymétrie est à la fois anatomique, biochimique et fonctionnelle. L’hémisphère droit, par exemple, est légèrement plus avancé que son allié, l’hémisphère gauche, lui, regorge de plus de dopamine que le droit (voir Plaisir et dopamine).

En plus de traiter les informations en provenance de l’hémicorps opposé, les deux hémisphères sont aussi impliqués différemment dans les fonctions cognitives. L’asymétrie fonctionnelle la plus importante concerne la localisation des aires du langage qui détermine la dominance cérébrale. Dans la majorité des cas, celles-ci sont situées dans l’hémisphère gauche du cerveau.

Somme toute, dans le corps humain, les deux font la paire, s’assemblant incroyablement avec toutes leurs différences.

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(1) Passe-Partout est une émission éducative pour enfants diffusée au Québec dans les années 80.

lundi 18 mai 2015

Démordre


On peut s’armer jusqu’aux dents, garder une dent contre quelqu’un, ou encore serrer les dents et avancer. Mais parfois, la meilleure chose à faire, c’est démordre et ultimement lâcher prise.

Les dents et la mâchoire ont pour fonction la mastication des aliments, traitement initial de la nourriture et donc de la digestion. Chez les animaux, elles servent aussi à transporter des objets ou encore à attaquer sa proie. On n’a qu’à penser au film « Jaws » (1975) – littéralement « mâchoires », traduit en français par Les dents de la mer -, dont l’histoire met en scène un imposant requin semant la terreur sur l’île fictive d’Amity.

De toute évidence, il existe un rapport étroit entre les dents et l’agressivité. Les dents servent à mordre - on dit montrer les dents pour se faire menaçant - et la mâchoire se contracte également lorsque nous éprouvons de la colère.

Le mécontentement, l’irritation ou encore l’énervement font grincer des dents. Pour plusieurs, ce phénomène appelé bruxisme, soit un grincement ou serrement des dents « à vide » par nervosité, stress ou tension, se manifeste durant le sommeil.

Serrer la mâchoire ou grincer des dents peut aussi symboliser un acharnement, un désir implacable de tenir bon « like a dog with a bone ». À la longue, ce besoin de tenir fermement peut provoquer des tensions musculaire et psychologique.

Pour mieux mordre dans la vie et la savourer pleinement, il faut aussi savoir renoncer, « lâcher le morceau » comme on dit, et simplement sourire. En plus de détendre la mâchoire, rire et sourire constituent le fondement du relâchement, de cet état fugitif qu’est le lâcher prise, l’abandon de soi, dans la détente et la confiance.

Sinon, on risque d’en prendre plein la gueule.

lundi 11 mai 2015

Le cerveau d’Einstein - neurone et cellule gliale


Le cerveau du célèbre physicien Albert Einstein (1879-1955), connu notamment pour sa théorie de la relativité et la plus célèbre des formules mathématiques, E=mc2, fut l’objet d’études plusieurs années après sa mort. Malgré toute la controverse qui entoure les résultats de ces analyses, quelques observations méritent néanmoins d’être soulignées.

L’une d’entre elles concerne sa taille. Petit et singulièrement rond, le cerveau du fameux génie d’origine allemande était moins volumineux que la norme, son poids étant inférieur à la moyenne, soit 1230 g contre une moyenne de 1400g.

L’autre particularité concerne l’absence du sillon de Sylvius, une commissure se trouvant à la jonction des lobes pariétal et frontal. Un sillon étant un creux, un repli intérieur en surface du cortex, cela signifie que cet espace habituellement « vide » était donc occupé par du tissu nerveux.

Lorsqu’on pense au cerveau, nous croyons d’emblée que ce sont les neurones ou la « matière grise » qui font tout le travail. En réalité, il existe d’autres types de cellules nerveuses essentielles au bon fonctionnement des neurones, les cellules gliales.

Cinquante fois plus nombreuses que les neurones, les cellules gliales facilitent l’entretien et la protection du milieu neuronal en assurant, entre autres, le support en oxygène et en nutriment, l’élimination des cellules mortes ou encore le recyclage des neurotransmetteurs. Autrement dit, pour chaque neurone qui transmet de l’information, 50 cellules gliales l’assistent dans sa tâche. C’est énorme! Pour plusieurs neuroscientifiques, les cellules gliales représentent en effet les héroïnes méconnues du cerveau, de véritables techniciennes des coulisses neuronales.

Qui plus est, ces mêmes cellules sont responsables du développement du cerveau en établissant les interconnexions entre les neurones. On estime que chaque neurone possède en moyenne 10 000 connexions le reliant à d’autres. Or, selon plusieurs études, le cerveau d’Einstein présentait plus de tissu glial que la norme.

Comme quoi, ce n’est pas le volume du cerveau qui importe dans l’intelligence et la créativité, mais bien, outre leur bon fonctionnement, le nombre de connexions entre les neurones.

lundi 4 mai 2015

Le psychosomatique n’est pas dans la tête


Plusieurs termes issus de la psychologie et de la psychanalyse, comme les divers mécanismes de défense par exemples, font maintenant partie du langage courant. Par contre, certains mots sont trop souvent galvaudés, perdant ainsi leur sens véritable. C’est le cas notamment des termes « trauma », « traumatisme » (un magazine publiait récemment un article sur les cheveux « traumatisés ») ou encore le mot « psychosomatique ».

Plusieurs croient à tort qu’une condition ou maladie dite psychosomatique n’est pas réelle, n’existant que dans la tête de la personne, sorte de fabulation ou de malade imaginaire. Bref, « ne cherchez pas docteur, c’est dans la tête ».

En réalité, il n’en est rien. Du grec « psyche » désignant âme ou esprit, et « soma » voulant dire corps, le terme psychosomatique signifie qu’il existe un lien étroit entre la psyché et le corps, c’est-à-dire entre les facteurs psychologiques, cognitifs et/ou mentaux et l’apparition des symptômes physiques.

Les émotions, le stress ainsi que certains états affectifs passagers comme l’angoisse, l’anxiété ou la dépression notamment, possèdent tous des composantes psychosomatiques reconnues par la science, capables de provoquer ou d’exacerber les symptômes physiques.

Cette communication bidirectionnelle entre le corps et l’esprit a toujours existé. Seulement, en raison des influences de l’Église au 17ième siècle, se réservant toute question relative à l’âme ou à l’esprit, les chercheurs et scientifiques de l’époque se sont vus contraints de diviser l’être humain en deux champs d’études distincts.

Même si la perspective cartésienne persiste toujours (voir La tête vs le « reste du corps »), on reconnaît néanmoins aujourd’hui que l’organisme humain est un être global dont les systèmes internes - cognitifs, émotionnels, physiques et transpersonnels – interagissent entre eux et s’influencent mutuellement : « Ce n’est pas seulement la séparation entre esprit et cerveau qui est un mythe : la séparation entre esprit et corps est probablement tout aussi inexacte. On peut dire que l’esprit est fondé sur le corps, et pas seulement sur le cerveau » (1).

Le psychosomatique n’est donc pas dans la tête. Il est bien ancré dans le corps, le « corps-esprit » ne formant qu’un seul être, une unité globale dite psycho-corporelle ou psychosomatique (2).


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(1) Damásio, A. (2008). L’erreur de Descartes - La raison des émotions. Paris: Odile Jacob; p.157.

(2) La branche de la psychologie somatique s’intéresse à ce lien intime entre le corps et l’esprit.

lundi 27 avril 2015

L’équilibre homéostatique


Le physiologiste américain Walter Bradford Cannon (1) publia en 1932 “The Wisdom of the Body” (2), titre inspiré d’un discours auquel il assista en 1923. Cet ouvrage phare, portant sur l’homéostasie et les mécanismes régulateurs sous-jacents, est à la fois un hommage à l’éminent médecin et physiologiste français Claude Bernard (1813-1878) qui fut le premier à introduire le concept de milieu intérieur.

Mais qu’est-ce que l’homéostasie?

L’homéostasie est la capacité que possède un organisme vivant ou encore un système organisé quelconque à s’autoréguler afin de maintenir son équilibre interne malgré les variations, contraintes ou conditions extérieures.

Une cellule, par exemple, est un microsystème hautement organisé, un milieu dynamique aux frontières poreuses capable d’autoréguler ses échanges avec le « monde externe », lui permettant ainsi de contrôler des facteurs déterminants, comme la concentration saline par exemple, un ratio essentiel à sa survie et à son fonctionnement.

Le principe d’équilibre homéostatique met en évidence la stabilité du milieu interne de l’organisme vivant, l’autorégulation des processus physiologiques et le rôle fondamental du système nerveux autonome.

Cette découverte a par ailleurs ouvert la voie à la notion de stress, ou facteur de tension, à l’origine des déséquilibres et pathologies, à l’influence des émotions sur les fonctions autonomes ainsi qu’aux effets perturbateurs sur la santé. 

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(1) En plus d’être le précurseur du principe de combat et de fuite (« Fight or Flight »), Walter Bradford Cannon (1871-1945) a également contribué au développement des théories sur les émotions, proposant avec Philip Bard une perspective psycho-physiologique (théorie Cannon-Bard).

(2) En français La sagesse du corps, paru en 1946.

lundi 20 avril 2015

Surprise et soubresaut


Il a été question antérieurement d’un réflexe émotionnel profondément ancré dans l’organisme humain, le dégoût (voir Piloérection et horripilation). Notons à cet égard qu’il en existe un autre tout aussi fondamental à la nature émotionnelle de l’être humain, celui de la surprise.

Le dégoût et la surprise apparaissent habituellement à la liste des émotions primaires aux côtés de la peur, la joie, la colère et la tristesse*. Universelles, ces émotions ne connaissent pas de frontières géographiques ou socio-culturelles, étant intrinsèques à la nature humaine.

Parmi ces six émotions de base cependant, le dégoût et la surprise font tout de même classe à part. À l’instar des réflexes musculaires, il s’agit de mouvements involontaires du corps, étant a priori des réactions automatiques dépourvues de contenu affectif. Pour cette raison, on pourrait les désigner réflexes émotionnels.

Intimement liée à la peur, à la stupeur ou à l’étonnement, la surprise s’accompagne d’un mouvement spasmodique qui a l’effet d’un véritable choc sur le corps. Telle une secousse somatique, le soubresaut sert ultimement à mobiliser l’organisme en vue d’une action immédiate. Par sa brusque et soudaine contraction musculaire, le sursaut revigore. Il saisit l’individu en entier, le happe d’un regain d’énergie, lui permettant ainsi de se redresser et de réagir promptement.

Alors que les émotions sont accompagnées d’un ressenti positif ou négatif, les réflexes émotionnels sont a priori neutres, c’est-à-dire dénués d’affect. S’ensuit toutefois une réaction immédiate, le réflexe émotionnel cédant sa place a posteriori à l’émergence d’une émotion. Positive ou négative, celle-ci est largement déterminée par le déclencheur lui-même, par sa nature « agréable » ou « désagréable ».

Bref, la surprise est toujours un événement inattendu, mais elle n’est pas toujours un cadeau.


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*La liste des émotions primaires varie selon les auteurs et théoriciens des émotions. Ces six émotions fondamentales font toutefois l’unanimité.

lundi 13 avril 2015

L’intelligence ou les intelligences?


Les tests servant à mesurer l’intelligence humaine affluèrent aux États-Unis au début du 20ième siècle. Développés par des hommes de race blanche issus de milieux favorisés, ces outils, à l’origine, dévoilaient beaucoup plus les différences culturelles et socio-économiques entre les individus que l’intelligence à proprement parler. Standardisés depuis, ils servent essentiellement à mesurer des fonctions cognitives.

Une question fondamentale demeure toutefois, qu’est-ce que l’intelligence? C’est là une notion fort complexe puisque l’intelligence se manifeste sous diverses formes dont certaines sont difficilement mesurables.

La théorie des intelligences multiples, par exemple, publiée en 1983 par le psychologue américain Howard Gardner, en identifie à elle seule neuf : l’intelligence logique ou mathématique, spatiale, linguistique, kinesthésique, musicale, interpersonnelle, intra-personnelle, naturelle et existentielle.

Dans les années 90, surgit également le concept d’intelligence émotionnelle grâce aux travaux du psychologue américain Daniel Goleman. Dès lors, et principalement en raison du développement technologique permettant de visualiser les réseaux neuronaux activés dans les processus somato-cognitifs, les études portant sur les émotions, plus précisément sur le « cerveau des émotions », connaissent un véritable essor.

Mais existent-ils d’autres formes d’intelligence encore insoupçonnées?

Les animaux, on le sait, sont très intelligents. Munis pour la plupart d’un tout petit cerveau, ils opèrent fondamentalement grâce à leurs instincts et pulsions. Pour d’autres organismes vivants, cette intelligence n’a absolument rien à voir avec la cervelle ou même sa taille puisqu’ils en sont dépourvus. C’est le cas de la méduse.

Dotée de quelques cellules nerveuses connectées à un système sensoriel des plus raffiné, la méduse ne pense pas, elle réagit. Constitué à 98% d’eau, ce féroce prédateur aux apparences trompeuses vit en parfaite symbiose avec son environnement et ces variations, faisant de cet organisme vivant, apparu il y a plus de 650 millions d’années, l’un des plus anciens de la planète. Contrairement aux dinosaures, les méduses ont survécu, démontrant une étonnante capacité d’adaptation, et donc de survie, une force intrinsèque à l’intelligence vitale.

Le mouvement vital n’est-il pas la plus haute forme d’intelligence qui soit? Son expression absolue? Or, la Vie ne se mesure pas, elle se déploie tout simplement.

lundi 30 mars 2015

Les humeurs, ces « fluides » du corps


Considéré le « père de la médecine », Hippocrate (460-370 av. J.-C.) a été le premier à s’intéresser au rôle du corps humain dans la pathologie, rejetant ainsi les croyances et les superstitions de l’époque qui expliquaient la maladie par la présence de forces surnaturelles ou maléfiques.

L’une de ses théories concernait l’humeur, le terme provenant du latin umor issu du grec umeros signifiant liquide. Selon Hippocrate, la santé du corps et de l’esprit est tributaire d’un équilibre entre les principaux « fluides du corps ».

La théorie des humeurs, ou l’humorisme, expliquait la maladie physique et mentale par un déséquilibre entre les quatre principales « humeurs » qu’abrite le corps humain : le sang, la lymphe, la bile jaune et la bile noire. Chacun d’entre eux était associé aux quatre éléments fondamentaux de l’Univers (l’eau, la terre, le feu et l’air) portant eux-mêmes des caractéristiques distinctes. Un tempérament orageux, par exemple, s’expliquait par un excès de bile jaune, et donc un individu enclin à la colère, dit bilieux, alors que la mélancolie, en revanche, découlait d’une bile noire prédominante.

Ayant perdu le sens de « fluide corporel » au 19ième siècle, le terme humeur est conservé dans le langage courant pour évoquer les émotions ou une disposition affective comme dans l’expression être de « bonne » ou de « mauvaise » humeur. Aujourd’hui, il sert à désigner un état d’âme passager ou persistant.

Quoique de source étymologique distincte, on retrouve également le terme thymique en lien avec l’humeur et les émotions comme la cyclothymie (trouble de l’humeur) ou l’alexithymie (difficulté à exprimer verbalement les émotions). (Voir Le cœur et l’attachement pour en savoir plus sur le thymus).

Même si la thèse hippocratique s’est avérée incorrecte, on reconnaît tout de même aujourd’hui le rôle prépondérant que jouent les différents « fluides du corps », comme les hormones ou neurohormones, les neurotransmetteurs, les peptides et les ligands, sur la santé, l’humeur et ses fluctuations.

lundi 23 mars 2015

La bipédie, une marche révolutionnaire


Il y a 6 millions d’années, nos ancêtres primates abandonnèrent la position quadrupède pour se tenir sur deux jambes. À elle seule, la bipédie allait non seulement marquer l’histoire de l’humanité, mais révolutionner le corps humain dans sa globalité, déclenchant des modifications physiologiques irréversibles majeures.

L’érection de la colonne vertébrale a eu, d’une part, un impact direct sur l’utilisation des sens. En s’éloignant du sol, et donc du nez, l’Homo erectus fut alors appelé à regarder au loin, privilégiant ainsi le sens de la vision au détriment de l’odorat (voir aussi Subodorer). Cette nouvelle réalité et stimulation sensorielle furent donc propices au développement du cortex visuel, occupant aujourd’hui le tiers de l’espace cérébral.

La libération des membres antérieurs a par ailleurs favorisé le développement de nouvelles aptitudes et habiletés comme se tenir, s’agripper, se hisser ou encore saisir des objets. Ultimement, beaucoup plus tard dans l’évolution de l’espèce humaine, cette nouvelle dextérité manuelle ouvra la voie à l’utilisation d’objets et à la fabrication d’outils.

Mais le changement le plus fondamental déclenché par la nouvelle posture est sans aucun doute énergétique. La quadrupédie étant beaucoup plus énergivore, la bipédie a en effet permis de libérer une quantité considérable d’énergie servant au développement de nouvelles fonctions cognitives.

Car même s’il ne représente que 2% de notre masse corporelle, le cerveau consomme à lui seul près de 20% de nos ressources en glucose et 20% de l’oxygène que nous respirons, faisant de lui l’organe le plus gourmand du corps humain (voir aussi La tête vs "le reste du corps").

Cette impressionnante consommation d’énergie s’explique du fait que le cerveau ne s’éteint jamais. Même lorsque nous dormons, celui-ci s’affaire à réorganiser les informations emmagasinées en plus de gérer les cycles du sommeil.

Bipède le plus répandu sur Terre, l’Homo sapiens est aujourd’hui considéré l’animal le plus intelligent de la planète. Disons seulement que, cognitivement parlant, il est le plus évolué. Pour le reste, seule l’Histoire nous le dira.


lundi 16 mars 2015

L’hypersensibilité


Une intelligence remarquable, ou encore des capacités intellectuelles exceptionnelles, n’ont jamais été considérées une mauvaise disposition. Bien au contraire. On salue et récompense sans cesse les facultés cognitives hautement développées. Les connaissances intellectuelles, le raisonnement logique et mathématique ont toujours remporté la palme. Mais lorsqu’il s’agit du corps et de certaines habiletés surdéveloppées, on entre bien souvent, malencontreusement, dans le monde de la pathologie. C’est le cas, entre autres, de l’hypersensibilité.

Pourtant, tout être vivant est un être sensible (1), la sensibilité étant une propriété que possède un organisme vivant, ou même un organe, à réagir sous l’effet d’une excitation (2). Il s’agit donc d’une aptitude, d’une capacité à détecter une émotion ou de faibles variations ambiantes, par l’usage d’un capteur notamment (2).

Or dans le monde des sensations et des émotions humaines et animales, ce capteur est nul autre que le corps. Semblable au baromètre, le corps est un précieux et sensible instrument vibrant, capable de détecter, de mesurer et d’évaluer les stimuli présents dans l’environnement, ce milieu éthéré dans lequel nous baignons, et leurs subtiles fluctuations.

Doté d’une immense intelligence qui lui est propre, l’intelligence kinesthésique, le corps parvient à sentir, à ressentir, voire pressentir les ambiances, les atmosphères, les messages non-verbaux et les non-dits, sous forme d’impressions ou de fortes sensations viscérales qui tissent cette profonde conviction, cet intime savoir inexplicable que nous appelons intuition.

Autrement dit, le corps et ses habiletés somatiques sont à l’intelligence kinesthésique ce que le cerveau et ses fonctions sont à l’intelligence cognitive, soit un ensemble de tissus nerveux hautement sophistiqué et organisé servant au traitement de l’information des milieux interne et externe de l’organisme.

Alors que les émotions sont des mouvements internes du corps humain, la sensibilité, elle, relève de l’intelligence kinesthésique. C’est grâce au système sensoriel et à une fonction kinesthésique des plus raffinés, le ressenti, permettant à l’instrument corporel de frémir sous l’émergence d’une émotion, que le corps accomplit cette mission.

Dans ce contexte, l’hypersensibilité est donc la manifestation d’une fonction corporelle surdéveloppée, une fonction kinesthésique « haute définition ». Se situant aux antipodes de l’apathie sur l’échelle de la conscience corporelle (voir Apathie et états dissociatifs), l’hypersensibilité démontre une extraordinaire capacité à capter les informations en provenance de l’environnement.

En plus de faire preuve d’une empathie hors du commun, les hypersensibles, ou les hyperémotifs comme on les surnomme généralement, sont facilement émus, touchés ou affectés par ce qui passe autour d’eux, et donc en eux. On les dit à fleur de peau, trop émotifs ou même fragiles, leur hypersensibilité étant perçue, à tort, comme une faiblesse de caractère (3). En réalité, leur instrument est plus sensible que d’autres, mieux « accordé » en quelque sorte, ou tout simplement plus efficace, plus « performant ».

Tout le monde peut jouer du violon. Seulement, certains ont entre les mains un Stradivarius. Ça résonne autrement. 

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(1) Les animaux sont des êtres sensibles - À cet effet, je vous invite à consulter le manifeste sur la reconnaissance des droits des animaux comme être sensible ainsi qu’à signer le Manifeste pour une évolution du statut juridique des animaux dans le Code civil du Québec en consultant le site « Les animaux ne sont pas des choses ».

(2) Définitions du dictionnaire.

(3) Dans certains cas, l’hypersensibilité est à la source d’un trouble de l’humeur.


lundi 2 mars 2015

La danse, la folie et les femmes


La danse et les mouvements du corps sont bien souvent associés à la folie. Dans certains contextes, ils incarnent le chaos, le désordre, l’agitation dérangeante.

On n’a qu’à penser aux Ménades (1) ou encore à la danse de Saint-Guy, cette maladie neurologique, aussi appelée chorée de Sydenham, causée par une infection à streptocoque affectant les nerfs et provoquant par le fait même des convulsions, soit des contractions musculaires et des mouvements involontaires du tronc et des membres.

D’ailleurs, Saint-Guy est non seulement le saint patron de la danse, du théâtre et des arts de la scène, mais aussi des épileptiques. Surnommé le « mal sacré » ou « mal de Saint-Jean » au Moyen-Âge, l’épilepsie a longtemps été considérée une possession du corps et de l’esprit en raison des mouvements convulsifs provoqués par la crise elle-même. On appelait alors les personnes atteintes les « danseurs de Saint-Jean ».

Car plus souvent qu’autrement, un corps en mouvement évoque un être frénétique, un individu ayant perdu le contrôle de soi, du corps, et donc de l’esprit. Les mouvements inapprivoisés représentent cette perte de la raison, le déchaînement de pulsions et de désirs irrépressibles, ou encore la présence de forces occultes incontrôlables, voire maléfiques. En ce sens, la danse symbolise cette folie faite de chair et de sang.

L’hystérie, par exemple, illustre bien ce rapport fascinant qui existe entre les mouvements du corps et l’irrationalité. Issu du courant psychanalytique à la fin du 19ième siècle, cet « excès émotionnel incontrôlable » trouve son origine dans l’Égypte ancienne. La théorie stipulait en effet que l’utérus en déplacement dans le corps provoquait des symptômes physiques inexplicables, des infections ou encore un trouble névrotique réservé aux femmes évidemment - le terme hystérie provenant du mot grec hystera qui signifie utérus ou matrice.

En réalité, toute femme à l’époque qui affichait une sexualité inassouvie était considérée « hystérique ». L’histoire nous le montre bien, les femmes ont toujours été considérées « folles » du moment où elles exhibaient des traits ou des comportements définis à tort masculins comme la colère, l’agressivité et la sexualité. Alors vue « dénaturée », la femme est dite empreinte du « désordre » (2) et donc atteinte d’un trouble mental quelconque.

De fait, une femme « dérangeante » est nécessairement « dérangée » (notons que le concept hippocratique de la « femme dérangeante » a bel et bien existé en médecine antique) et de suite perçue comme une « hystérique », une « névrosée », une « furie » (3) victime d’emportement, ayant perdu la tête, et donc, par extension, la raison. Autrement dit, c’est une « folle à lier » qu’il faut attacher, ligoter au lit (psychiatrique évidemment) afin de contraindre les mouvements du corps, et surtout, d’émancipation.

D’ailleurs, dans son essence, la femme est vue privée du contrôle de soi et des « vertus » de la pensée logique et raisonnable propre à l’homme. À ce propos, le mot vertu provient du latin virtus, dérivé de vir qui signifie « homme » et qui a donné « viril » et « virilité ». Le terme virtus servait à désigner la force morale et la discipline de « l’homme rationnel » et bien pensant, s’opposant au caractère « impulsif » et « irrationnel » de la femme.

Un autre mythe qui remonte à la nuit des temps.


Bonne Journée internationale de la femme (8 mars).


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(1) Dans l’Antiquité gréco-romaine, les Ménades (ou Bacchantes chez les Romains) étaient des femmes qui accompagnaient le cortège dionysiaque pratiquant des danses « furieuses et délirantes ». Le terme Ménades provient du mot grec maniais signifiant « esprit égaré » qui a donné le mot manie que l’on retrouve en médecine psychiatrique, notamment dans la phase dite maniaque de la bipolarité.

(2) Soulignons qu’en anglais le mot disorder sert à désigner les troubles mentaux.

(3) Furie : « femme emportée et méchante » (dictionnaire).

lundi 23 février 2015

Le poing victorieux vs coléreux (suite)


La joie et la colère sont des émotions primaires dites « activantes » puisqu’elles déclenchent une activation physiologique, un mouvement d’extériorisation propice à l’action et donc à leur expression. La principale distinction entre ces deux émotions fondamentales repose essentiellement sur le ressenti qui les accompagne. Alors que la joie est classée « positive », la colère, pour sa part, induit un ressenti négatif qui mène « hors de soi », voire à sortir de ses gonds.

La colère - le poing coléreux

Similairement à la joie, la colère est une émotion activante qui pousse à agir. À l’instar de Hulk (1), son émergence s’accompagne d’une montée fulgurante d’énergie, une pression intérieure grandissante qui procure une sensation de force et de puissance.

En raison du mouvement d’extériorisation qui l'accompagne, la colère est ressentie comme une émotion qui met « hors de soi », fait sortir de ses gonds, poussant ultimement à prendre une posture de riposte. Le gonflement de la posture, par exemple, sert à créer une impression d’immensité suggérant à l’adversaire sa capacité à se défendre (voir Être dans sa bulle - Espace et agressivité).

Alors que la joie jaillit d’un gain énergétique, c’est-à-dire d’un ajout, d’un mouvement porté pour soi, la colère, elle, surgit en réponse à une offense ou un tort, un mouvement porté contre soi. Étant essentiellement « un effort énergétique vers la reprise de son pouvoir » (2) et de son espace, la colère munit l’individu de toute l’énergie et de la force nécessaires pour passer à l’action.

Les manifestations physiques qui accompagnent l’émergence de la colère, comme le poing sur la table ou le frappement du pied au sol, entre autres, s’expliquent en grande partie par la contraction musculaire et la hausse énergétique inhérente à l’activation physiologique.

Il faut toutefois distinguer la colère de la violence, la première étant une émotion, une réponse biologique automatique, l’autre, un comportement.

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(1) Hulk est un personnage de bandes dessinées américaines. Sous les effets d’un stress ou d’une bouffée de colère intense, le docteur Bruce Banner se métamorphose en une imposante créature bestiale animée d’une force incommensurable. Alors que la colère fait « voir rouge », sa peau verte, elle, s’explique par une colère ancienne, contenue et « macérée » durant de nombreuses années, la sienne étant possiblement liée à la mort de son père alors qu’il était enfant.

(2) Caldwell, C. (2002). The Moving Cycle: A Model for Healing. In Integrative holistic health, healing, and transformation. ed. Penny Lewis, Illinois: C.C. Thomas; pp.273-294.

lundi 16 février 2015

Le poing victorieux vs coléreux


La joie et la colère sont des émotions primaires dites « activantes » puisqu’elles déclenchent une activation physiologique, un mouvement d’extériorisation propice à l’action et donc à leur expression. La principale distinction entre ces deux émotions fondamentales repose essentiellement sur le ressenti qui les accompagne. Alors que la joie est classée « positive », la colère, pour sa part, induit un ressenti négatif qui mène « hors de soi », voire à sortir de ses gonds.

La joie - le poing victorieux

La joie est une émotion activante au ressenti positif. Physiologiquement, elle génère une subite montée d’énergie qui pousse à agir, à bouger, à s’animer, bref à exprimer son effervescence.

Pour cette raison, la joie se manifeste généralement par des gestes et des mouvements du corps, une expression psycho-corporelle hautement visible, et parfois même audible, comme des sauts accompagnés de cris retentissants ou de rires en brandissant les bras, poings fermés, au-dessus de la tête.

Dans ce contexte, le poing, cette main fermée portée bien haut, désigne le geste du vainqueur. Glorieux et triomphant, il sert à signaler un avantage aux autres et sur les autres, une attitude de domination intrinsèque au statut de gagnant, à celui ou celle qui remporte un point, un succès, une bataille ou la victoire carrément.

Contrairement à la tristesse ou à la colère, la joie est rarement inhibée ou contenue. Certes, l’intensité de son expression diffère grandement d’une culture à l’autre, mais étant foncièrement activante, la joie est une émotion qui s’exprime spontanément, sur le champ et sans retenue. D’une part, qui voudrait s’en priver. D’autre part, et plus important encore, parce qu’elle est positive.

Contrairement aux émotions primaires au ressenti négatif qui peuvent agresser, gêner ou importuner les autres, la joie, en raison de son caractère hautement positif et dynamique, est agréable, invitante et même contagieuse comme le rire et le sourire.

lundi 9 février 2015

La phrénologie ou la «bosse des maths»


Vous a-t-on déjà dit que vous aviez la « bosse des maths »?

Cette expression du langage trouve son origine dans une théorie populaire qui régnait en Europe et en Amérique au début du 19ième siècle selon laquelle les protubérances du crâne humain révélaient le caractère et les traits dominants d’une personne.

Reconnue comme une science à l’époque, la phrénologie, ou « organologie » à l’origine, a été fondée par le neurologue allemand Franz Joseph Gall à la fin du 18ième siècle. C’est son collègue Johann Caspar Spurzheim qui introduisit la théorie en Amérique.

Selon la thèse phrénologique, chaque faculté humaine se trouve dans une zone spécifique du cerveau. En examinant les bosses sur la tête, les « palpeurs de crâne » (1), comme on appelait ceux et celles qui exerçaient cette pratique à l’époque, pouvaient déceler des tendances fortes ou propensions chez les individus, d’où la « bosse des maths » ou encore des qualités dominantes comme la bonté et la générosité: « Si l'on s'en remet aux phrénologistes, j'aurais fait un bon pasteur (...) j'avais une bosse de la vénération assez développée pour dix prêtres », témoigne Darwin (1809-1882) dans son autobiographie (2).

Qualifiée de « pseudo-science » en 1843, le modèle théorique, malgré de faux postulats, a tout de même ouvert la voie aux spécialisations fonctionnelles des régions cérébrales, une connaissance bien établie aujourd’hui.

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(1) Vous pouvez voir une « palpeuse de crâne » à l’œuvre dans le film La petite histoire du plaisir, version française de « Hysteria » (2012) réalisé par Tanya Wexler.

(2) Darwin, C. (2008). L'autobiographie. Paris: Seuil, p.56. Écrite au cours de l'année 1876, son autobiographie est publiée cinq ans après sa mort.

lundi 2 février 2015

Apathie et états dissociatifs


Les émotions perturbent. De fait, selon Hans Selye, père-fondateur du concept de stress et de ses effets nocifs sur la santé, les émotions constituent la principale source de stress chez l’être humain. Ce n’est pas peu dire.

Pour contrer ces « troublants » mouvements internes du corps, certains usent de mécanismes de défense comme le déni, le refoulement ou la contention par exemples, alors que d’autres se munissent plutôt d’une armure apathique.

Sorte d’« engourdissement » général du corps, de déconnexion kinesthésique, l’apathie sert foncièrement à prévenir l’émergence des émotions et ultimement leur ressenti. Apparaissant froids, flegmatiques ou même insensibles, plusieurs d’entre eux comprennent les émotions. Certains arrivent même à faire preuve d’« empathie » envers les autres, étant capables de raisonnement, de conscience morale, bref, de distinguer le bien du mal. Toutefois, et c’est là toute la différence, ils n’éprouvent pas les émotions en tant que telles, ayant éradiqué toute sensation émotionnelle. Dans ce cas-ci, le débranchement somatique étant complet, pas une seule once d’émotion ne fait frémir leur corps.

Cet état d’abnégation, voire de négation, émotionnelle qu’est l’apathie se différencie toutefois de la dissociation. Tel que mentionné antérieurement (voir Choc et état second), la dissociation est un puissant mécanisme de défense et de protection durant lequel l’esprit est ailleurs, « détaché » du corps physique, et plus souvent qu’autrement, loin d’une douleur physique ou morale intense.

Résultant d’un traumatisme grave, la dissociation se produit sous le coup du choc, et aux suites de celui-ci comme c’est le cas avec le trouble de stress post-traumatique. À long terme cependant, ce clivage entre le corps et l’esprit peut avoir des répercussions importantes sur la conscience et la santé globale, c’est-à-dire mentale et physique.

Outre la dissociation, durant laquelle la distance entre le corps et l’esprit atteint son paroxysme, il existe des formes intermédiaires d’états dissociatifs. Certains sont subis, c’est le cas avec l’état second notamment, alors que d’autres sont provoqués, voire recherchés, puisque induits par l’absorption d’une substance quelconque.

La plus courante réside sans contredit dans la consommation d’alcool. Légal et populaire, l’alcool est non seulement accepté et socialement acceptable, il fait partie intégrante des fêtes et des célébrations, un puissant liant et stimulant social. Agissant directement sur la conscience, l’alcool peut aussi conduire à la perte totale de conscience et de connaissance. L’abus, la consommation chronique ou encore la surconsommation subite et spontanée d’alcool, comme la mode du Binge Drinking par exemple, constituent pour plusieurs un moyen efficace de « s’assommer » et d’oublier ses ennuis.

Il en est de même évidemment pour toute forme d’intoxication du corps. Qu’ils s’agissent de drogues douces ou fortes, de substances stimulantes, de médicaments - sédatifs, analgésiques, stupéfiants opioïdes ou autres -, et même dans certains cas de nourriture (1), toutes ces substances servent principalement à engourdir le corps, à le « geler » temporairement afin d’anéantir ou tout le moins apaiser la souffrance ressentie.

Sans être issu d’un traumatisme grave, ces états dissociatifs intermédiaires servent ultimement le même objectif, celui de distancer l’esprit du corps en altérant la conscience. Momentanément, ils permettent d’oublier les problèmes et les soucis, « d’assommer » l’anxiété ou l’ennui, de déconnecter du stress et des tensions, en somme, de quitter temporairement le corps, les douleurs et le vague à l’âme.

Enfin, dans certains rituels chamaniques, l’état de conscience altéré induit par l’utilisation de psychotropes est recherché afin d’atteindre un état d’extase ou de transe servant à la guérison. En revanche, elle peut également déclencher un état psychotique chez certaines personnes. Distincte de la dissociation, la psychose se caractérise par un déphasage entre la réalité et la perception.


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(1) Certaines personnes souffrant de boulimie témoignent d’une relation à la nourriture similaire à la drogue qu’elles consomment en grande quantité afin d’obtenir cet effet d’endormissement du corps.