lundi 25 janvier 2016

Darwin - force et adaptation


On résume souvent le darwinisme à la « loi du plus fort », une approche simpliste, la vision de Darwin étant beaucoup plus complexe.

Charles Darwin (1809-1882) était un naturaliste anglais. Influencé par les travaux de Huxley, et peut-être même, inconsciemment, par ceux de son grand-père paternel Erasmus, qui fut l’un des premiers à développer une théorie de transformation des organismes et des espèces en fonction de leurs besoins (1), il devint célèbre pour sa théorie de l’évolution par la sélection naturelle.

Piètre élève à l’école, plus passionné de coléoptères et de chasse (qu’il abandonna plus tard par respect pour la vie animale), Darwin monte à bord du Beagle en 1831 pour un périple de cinq ans, durant lequel il trouva sa voie et documenta sans relâche ses observations.

Son œuvre maîtresse, et des plus controversée à l’époque, « De l’origine des espèces » (1859), fut un ouvrage révolutionnaire. Son impact sur toutes les branches de la science, naturelles et biologiques particulièrement, est tout simplement incommensurable (2).

S’il est vrai que le thème central de l’œuvre darwinienne repose sur la lutte des espèces pour leur existence, Darwin a également parlé d’instinct, d’apprentissage, de diversité, de l’intelligence du vivant et, plus important encore, dans le contexte qui nous intéresse, d’adaptation (3).


Force et adaptation

La force se définit comme un ensemble d’énergies en vue d’une action. Elle fait appel à la vigueur, au degré de puissance appliquée à cette action. L’adaptation, pour sa part, fait référence à la capacité que possède un être vivant à se mettre en accord avec son milieu, lequel exerce une pression sur celui-ci. Elle exige de l’attention, de « l’écoute », et surtout, de la flexibilité. À l’instar de la fable de la Fontaine « Le chêne et le roseau », cette capacité à plier sous la menace de vents violents s’avère être une force de caractère.

Plus que tout, Darwin a souligné l’importance des variations naturelles qui permettent de s’adapter à son environnement. Ce n’est donc pas « Fight or Die » (Lutter ou mourir) ou la « loi du plus fort » qui résume la vision darwinienne, mais plutôt « Adapt or Die » (S’adapter ou mourir) ou « la survie du plus apte » (4).


Scandale hérétique et atteinte narcissique

Le scandale provoqué par la théorie de Darwin à l’époque victorienne, alors que le créationnisme régnait en force, ne résidait pas seulement dans le dévoilement d’un lien de parenté entre les humains et les singes, mais aussi parce qu’elle venait ébranler une croyance profondément ancrée dans l’esprit humain, la fixité des espèces.

L’immuabilité des phénomènes naturels, et par le fait même des idées et des concepts qui les expliquent, était sans doute à l’époque une vision réconfortante, voire sécurisante, puisque fermée et invariable. En revanche, le mouvement perpétuel de la vie et la transmutation des espèces qui en résulte mettaient non seulement en péril la place et le rôle de l’être humain, qui jusque-là s’était positionné au centre de la Création et son ultime dessein, mais l’assujettit lui aussi à ces cycles de transformation perpétuelle. Dès lors, l’être humain devient un animal comme les autres.

Nous savons depuis belle lurette que Darwin avait raison (même qu’on exploite aujourd'hui ce filon animal – voir Animal social et publicité). La planète Terre est beaucoup plus vielle qu’on ne le croyait à l’époque, la découverte de l’ADN, près de 100 ans plus tard, est venue expliquer le processus même de cette sélection naturelle, et les chaînons manquants ont été comblés depuis. 

Comme quoi, on n’arrête pas l’évolution.

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(1) Dans son « Autobiographie » (2008), Darwin soutient que l’ouvrage de son grand-père, « Zoonomie, ou les Lois de la vie organique » (1801) n’a eu aucune influence sur ses travaux. Il n’en demeure pas moins étonnant de constater le lien intergénérationnel pour un même champ d’intérêt. Certains auteurs suggèrent même que Charles a réussi là où le grand-père avait échoué.

(2) Notons que Darwin a écrit d’autres ouvrages phares dont « L’expression des émotions chez l’homme et les animaux » (1872), fondement même de la psychologie des émotions.

(3) Darwin a par ailleurs écrit que « l’animal le plus dangereux » et « le plus destructeur de tous » était sans contredit « l’homme » (L’instinct, 2009, p.31, 35).

(4) Il est important de distinguer darwinisme et eugénisme qui applique à tort la théorie de l’évolution à la société, prônant l’extinction des « plus faibles ». À cet égard, Darwin a plutôt parlé d’instincts sociaux qui favorisent l’entraide, le développement de la civilisation et de l’éducation, créant ainsi un effet de rupture (P. Tort) dans le mouvement évolutif.
[Tort, P. (2009). Darwin et le darwinisme. Paris : PUF.]



lundi 11 janvier 2016

L’intelligence du cœur


Le corps humain possède trois centres opérationnels intelligents : la tête, le cœur et l'intestin. Alors que le cerveau et les tripes traitent principalement de cognition, de savoir et de connaissance (voir Les deux cerveaux du corps humain), l’organe battant, lui, se spécialise dans les émotions et les sentiments, en plus de voir à leur expression.

Outre son rôle vital au sein de l’organisme, qui assure, grâce à ses contractions continues, le flot du courant sanguin, le cœur participe également à la perception des émotions et à leur expérience. Le cœur bondit, palpite ou encore chavire sous les bourrasques d’émotions fortes. Ressentie comme une flèche, une parole blessante va droit au cœur. Un chagrin l’alourdit tandis qu’une nouvelle idylle l’allège allègrement. On dit également avoir le cœur gros ou sur la main pour exprimer des émotions et des sentiments.

Tantôt la source, tantôt la cible, le cœur réagit constamment à nos rapports avec autrui, servant ainsi d'indicateur socio-affectif (voir aussi Le cœur et l’attachement). Puissant facilitateur d’expression des émotions, ne dit-on pas « avoir quelque chose sur le cœur » ou « se vider le cœur »?

Centre du corps humain (1), le cœur joue un rôle de premier plan dans le traitement et l’échange d’informations somatiques. Principal relais entre les deux autres centres intelligents, c’est grâce aux multiples innervations du nerf vague, le plus étendu du corps humain, que le cœur rejoint le système nerveux et digestif. D’ailleurs, non seulement le cœur envoie plus d’informations au cerveau qu’il n’en reçoit de celui-ci, mais l’amour, la joie et la compassion stimulent le nerf vague qui libère alors de l’acétylcholine, un neurotransmetteur qui induit un ralentissement du rythme cardiaque.

Symbole de l’amour pour certains, de la vie spirituelle pour d’autres, le cœur est le moteur du corps, le siège de la vie physique. Son intelligence relève de sa sensibilité car « le cœur a ses raisons que la raison ignore ».

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(1) Contrairement à la croyance populaire qui le place du côté gauche du corps, le coeur est situé au centre de la poitrine, protégé par les poumons et le sternum. Seulement, son positionnement en biais, mettant ainsi de l’avant ses chambres gauches, rend les pulsations perceptibles de ce côté.