lundi 25 mai 2015

Les deux font la paire


Toute la génération « Passe-Partout » (1) se souvient de la comptine : « J'ai deux yeux. Tant mieux. Deux oreilles. C'est pareil. Deux épaules. C'est drôle. Deux bras. Ça va. Deux fesses. Qui se connaissent. Deux jambes. Il me semble… »

Ce qu’enseignait cette chanson, en des mots simples, c’est que le corps est bilatéral.

Le corps humain possède deux côtés (voir aussi Le côté gauche). Outre les membres et leurs extrémités (deux bras, deux mains, deux jambes, deux pieds), on retrouve également de nombreux organes doubles répartis sur chaque côté du corps comme les poumons, les reins, les trompes (tant de Falope que d’Eustache…), les gonades (i.e. ovaires et testicules), certains organes sensoriels (deux yeux, deux oreilles, un seul nez mais deux narines) et alouette.

Cette parité se répète d’ailleurs dans tout l’espace corporel. Nous possédons deux cerveaux (voir Les deux cerveaux du corps humain), et le cerveau cognitif, qui abrite d’ailleurs de nombreuses structures cérébrales paires comme l’amygdale, le thalamus et l’hippocampe par exemples, est également constitué de deux hémisphères, le droit et le gauche.

Mais l’aspect le plus fascinant de cette bilatéralité corporelle demeure sans contredit son asymétrie. En effet, les deux côtés du corps sont loin d’être identiques comme un Rorschach ou une image réfléchie dans un miroir. Le visage, c’est bien connu, est asymétrique. Mais saviez-vous qu’il en est de même pour le cerveau?

Non seulement les deux hémisphères sont différents, mais leur asymétrie est à la fois anatomique, biochimique et fonctionnelle. L’hémisphère droit, par exemple, est légèrement plus avancé que son allié, l’hémisphère gauche, lui, regorge de plus de dopamine que le droit (voir Plaisir et dopamine).

En plus de traiter les informations en provenance de l’hémicorps opposé, les deux hémisphères sont aussi impliqués différemment dans les fonctions cognitives. L’asymétrie fonctionnelle la plus importante concerne la localisation des aires du langage qui détermine la dominance cérébrale. Dans la majorité des cas, celles-ci sont situées dans l’hémisphère gauche du cerveau.

Somme toute, dans le corps humain, les deux font la paire, s’assemblant incroyablement avec toutes leurs différences.

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(1) Passe-Partout est une émission éducative pour enfants diffusée au Québec dans les années 80.

lundi 18 mai 2015

Démordre


On peut s’armer jusqu’aux dents, garder une dent contre quelqu’un, ou encore serrer les dents et avancer. Mais parfois, la meilleure chose à faire, c’est démordre et ultimement lâcher prise.

Les dents et la mâchoire ont pour fonction la mastication des aliments, traitement initial de la nourriture et donc de la digestion. Chez les animaux, elles servent aussi à transporter des objets ou encore à attaquer sa proie. On n’a qu’à penser au film « Jaws » (1975) – littéralement « mâchoires », traduit en français par Les dents de la mer -, dont l’histoire met en scène un imposant requin semant la terreur sur l’île fictive d’Amity.

De toute évidence, il existe un rapport étroit entre les dents et l’agressivité. Les dents servent à mordre - on dit montrer les dents pour se faire menaçant - et la mâchoire se contracte également lorsque nous éprouvons de la colère.

Le mécontentement, l’irritation ou encore l’énervement font grincer des dents. Pour plusieurs, ce phénomène appelé bruxisme, soit un grincement ou serrement des dents « à vide » par nervosité, stress ou tension, se manifeste durant le sommeil.

Serrer la mâchoire ou grincer des dents peut aussi symboliser un acharnement, un désir implacable de tenir bon « like a dog with a bone ». À la longue, ce besoin de tenir fermement peut provoquer des tensions musculaire et psychologique.

Pour mieux mordre dans la vie et la savourer pleinement, il faut aussi savoir renoncer, « lâcher le morceau » comme on dit, et simplement sourire. En plus de détendre la mâchoire, rire et sourire constituent le fondement du relâchement, de cet état fugitif qu’est le lâcher prise, l’abandon de soi, dans la détente et la confiance.

Sinon, on risque d’en prendre plein la gueule.

lundi 11 mai 2015

Le cerveau d’Einstein - neurone et cellule gliale


Le cerveau du célèbre physicien Albert Einstein (1879-1955), connu notamment pour sa théorie de la relativité et la plus célèbre des formules mathématiques, E=mc2, fut l’objet d’études plusieurs années après sa mort. Malgré toute la controverse qui entoure les résultats de ces analyses, quelques observations méritent néanmoins d’être soulignées.

L’une d’entre elles concerne sa taille. Petit et singulièrement rond, le cerveau du fameux génie d’origine allemande était moins volumineux que la norme, son poids étant inférieur à la moyenne, soit 1230 g contre une moyenne de 1400g.

L’autre particularité concerne l’absence du sillon de Sylvius, une commissure se trouvant à la jonction des lobes pariétal et frontal. Un sillon étant un creux, un repli intérieur en surface du cortex, cela signifie que cet espace habituellement « vide » était donc occupé par du tissu nerveux.

Lorsqu’on pense au cerveau, nous croyons d’emblée que ce sont les neurones ou la « matière grise » qui font tout le travail. En réalité, il existe d’autres types de cellules nerveuses essentielles au bon fonctionnement des neurones, les cellules gliales.

Cinquante fois plus nombreuses que les neurones, les cellules gliales facilitent l’entretien et la protection du milieu neuronal en assurant, entre autres, le support en oxygène et en nutriment, l’élimination des cellules mortes ou encore le recyclage des neurotransmetteurs. Autrement dit, pour chaque neurone qui transmet de l’information, 50 cellules gliales l’assistent dans sa tâche. C’est énorme! Pour plusieurs neuroscientifiques, les cellules gliales représentent en effet les héroïnes méconnues du cerveau, de véritables techniciennes des coulisses neuronales.

Qui plus est, ces mêmes cellules sont responsables du développement du cerveau en établissant les interconnexions entre les neurones. On estime que chaque neurone possède en moyenne 10 000 connexions le reliant à d’autres. Or, selon plusieurs études, le cerveau d’Einstein présentait plus de tissu glial que la norme.

Comme quoi, ce n’est pas le volume du cerveau qui importe dans l’intelligence et la créativité, mais bien, outre leur bon fonctionnement, le nombre de connexions entre les neurones.

lundi 4 mai 2015

Le psychosomatique n’est pas dans la tête


Plusieurs termes issus de la psychologie et de la psychanalyse, comme les divers mécanismes de défense par exemples, font maintenant partie du langage courant. Par contre, certains mots sont trop souvent galvaudés, perdant ainsi leur sens véritable. C’est le cas notamment des termes « trauma », « traumatisme » (un magazine publiait récemment un article sur les cheveux « traumatisés ») ou encore le mot « psychosomatique ».

Plusieurs croient à tort qu’une condition ou maladie dite psychosomatique n’est pas réelle, n’existant que dans la tête de la personne, sorte de fabulation ou de malade imaginaire. Bref, « ne cherchez pas docteur, c’est dans la tête ».

En réalité, il n’en est rien. Du grec « psyche » désignant âme ou esprit, et « soma » voulant dire corps, le terme psychosomatique signifie qu’il existe un lien étroit entre la psyché et le corps, c’est-à-dire entre les facteurs psychologiques, cognitifs et/ou mentaux et l’apparition des symptômes physiques.

Les émotions, le stress ainsi que certains états affectifs passagers comme l’angoisse, l’anxiété ou la dépression notamment, possèdent tous des composantes psychosomatiques reconnues par la science, capables de provoquer ou d’exacerber les symptômes physiques.

Cette communication bidirectionnelle entre le corps et l’esprit a toujours existé. Seulement, en raison des influences de l’Église au 17ième siècle, se réservant toute question relative à l’âme ou à l’esprit, les chercheurs et scientifiques de l’époque se sont vus contraints de diviser l’être humain en deux champs d’études distincts.

Même si la perspective cartésienne persiste toujours (voir La tête vs le « reste du corps »), on reconnaît néanmoins aujourd’hui que l’organisme humain est un être global dont les systèmes internes - cognitifs, émotionnels, physiques et transpersonnels – interagissent entre eux et s’influencent mutuellement : « Ce n’est pas seulement la séparation entre esprit et cerveau qui est un mythe : la séparation entre esprit et corps est probablement tout aussi inexacte. On peut dire que l’esprit est fondé sur le corps, et pas seulement sur le cerveau » (1).

Le psychosomatique n’est donc pas dans la tête. Il est bien ancré dans le corps, le « corps-esprit » ne formant qu’un seul être, une unité globale dite psycho-corporelle ou psychosomatique (2).


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(1) Damásio, A. (2008). L’erreur de Descartes - La raison des émotions. Paris: Odile Jacob; p.157.

(2) La branche de la psychologie somatique s’intéresse à ce lien intime entre le corps et l’esprit.