lundi 20 juin 2016

Mouvoir et s’émouvoir

La qualité de la vie humaine repose grandement sur les capacités à se mouvoir et à s’émouvoir. 

Comme tout organisme vivant, l’humain est un être en mouvement, un animal bipède dans ce cas-ci, qui a besoin de bouger, de se déplacer, d’aller librement vers ce qu’il désire et ce qui l’attend (voir aussi Marche et démarche). 

Or, il en est de même intérieurement. La capacité de s’émouvoir, c’est-à-dire de ressentir des émotions, est elle aussi nécessaire à une vie riche, ponctuée d’expériences, d’événements, et donc de sentiments des plus variés. 

Certains prétendent que le contrôle des émotions est l’ultime voie vers le bonheur. Or, il existe une distinction entre gestion et absence d’émotions. À cet effet, soulignons qu’un psychopathe ne ressent pas d’émotions, d’où son manque total d’empathie envers les autres créatures vivantes.

L’habileté à ressentir les émotions, ces mouvements internes du corps (voir Émotion, mouvement interne du corps) constitue le fondement de la compassion qui, elle, exige une sensibilité. L’apathie, pour sa part, se définit comme une « absence d’émotions », une « incapacité d’être ému ou de réagir » par mollesse, indifférence, résignation ou état pathologique (voir aussi Apathie et états dissociatifs). De fait, sur l’échelle de la sensibilité, l’apathie se situe aux antipodes de l’hypersensibilité, une captation aiguë de son environnement par le 6ième sens qu’est le ressenti (voir L'hypersensibilité). 

Autrement dit, l’apathie est un marécage affectif, un trou noir intérieur sans vie ni mouvement, laissant en surface un être sans affect, en rupture avec ses émotions. Même si cette condition n’est pas visible à l’œil nu, il s’agit bel et bien d’un handicap, d’un important désavantage émotionnel, voire fonctionnel, pour l’humain, limitant l’éventail d’expériences affectives. 

Car être vivant, c’est aussi vibrer d’émotions. Même que les émotions demeurent notre seule protection contre le vide glacial et inanimé de l’apathie. Comme le psychanalyste Carl Gustav Jung (1875-1961) l’a lui-même si bien dit : « Sans émotions, il est impossible de transformer les ténèbres en lumière et l’apathie en mouvement ». 


 - La chronique fera relâche durant la saison estivale. Bon été à tous! -


À propos de l'auteure
Parallèlement à sa formation en danse, Sylvie Marchand a complété des études à l'Université McGill en Neuro-physio-psychologie (B.Sc.), à l'Université Concordia en Thérapies par les arts (M.A.) en plus d'un Certificat en Arts plastiques de l'UQAM. Danseuse, chorégraphe et enseignante, elle fonde en 2003 le Studio Mosaïco, espace dédié à la danse et à l'art-thérapie à Montréal, Québec. Elle développe aujourd'hui la branche de la psychologie somatique, offre des ateliers de danse-thérapie et publie sur Chronique d'un corps.


lundi 6 juin 2016

L’écœurement

Aux antipodes de « triper » (voir Triper, le plaisir viscéral), on retrouve une autre sensation viscérale tout aussi puissante, mais en revanche dévastatrice, l’écœurement. 

Ce phénomène somatique naît d’abord d’un inconfort, sorte de malaise intérieur ressenti comme un nœud dans le ventre qui touche l’estomac et affecte la faim. Même si le besoin physiologique est pourtant présent, le goût, lui, le désir de manger est complètement anéanti (voir aussi Savourer le moment). 

C’est via le nerf vague (1) que le signal viscéral rejoint également le cœur et la gorge, laissant un goût amer dans la bouche. Le cœur devient lourd, la respiration superficielle – le mouvement du diaphragme étant entravé –, et la nausée fait son apparition. 

D’autres symptômes physiques, comme la migraine, des crampes abdominales, des vomissements, des problèmes respiratoires ou digestifs (ballonnements, constipation, diarrhée, etc.), peuvent également survenir. Un sentiment de découragement accompagne le soulèvement du cœur et, à ce stade, l’organisme entier semble paralysé par le profond malaise. 

Si celui-ci persiste et que la situation demeure inchangée, l’écœurement s’installe. Tel un conditionnement pavlovien, le contact avec l’environnement néfaste à lui seul fera réapparaître le mal-être et la nausée. Soutenu par un état de lassitude grandissant, voire dépressif, l’écœurement se transforme rapidement en écœurantite aiguë et l’organisme humain atteint alors un point de non-retour. 

Y a-t-il un remède contre l’écœurement? Évidemment, les solutions possibles sont soit d’éliminer les facteurs nocifs, soit de retirer l’individu de l’environnement malsain et nauséabond, ou soit encore (pourquoi pas tenter le coup) de se blinder complètement contre la situation ou ces déclencheurs. Mais là attention, car le corps lui, immensément intelligent, se souvient, et les réactions, voire les soulèvements du cœur et du corps entier risquent d’être féroces et la révolte virulente. 

C’est là que les fonctions cognitives et rationnelles entrent en jeu et que les trois grands centres intelligents du corps humain, le ventre, le cœur et la tête, doivent s’entendre, s’aligner et prendre la bonne décision (voir L’intelligence du cœur et Les deux cerveaux du corps humain). 

Car si le cœur n’y est plus, mieux vaut ne pas l’écœurer.

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(1) Le nerf vague, comme la majorité des nerfs, des organes et de nombreuses structures corporelles, est double (voir Les deux font la paire). Les plus étendus du corps humain et principale innervation du système nerveux parasympathique, les nerfs vagues innervent entre autres l’estomac, le cœur et le larynx.