lundi 22 septembre 2014

Larmes et gamme d’émotions

On attribue d’emblée les larmes à la tristesse. Pourtant, on pleure pour toutes sortes de raisons, d’émotions ou d’états de corps, les larmes occupant multiples fonctions.

D’abord, tous les mammifères sécrètent des larmes, le liquide lacrymal servant à nettoyer et à protéger l’organe de l’œil contre l’invasion de matières impures ou de substances irritantes (voir aussi L'oeil scientifique). Alors que certaines larmes sont réflexives, comme celles qui montent automatiquement lorsqu’on coupe un oignon par exemple, d’autres voient le jour pour fins d’expression.

Chez les humains, le nourrisson ne dispose que des pleurs pour signaler sa détresse, un besoin inassouvi ou son insatisfaction. Il s’agit donc de notre première forme de communication.

Pleurer sert également à exprimer des émotions, la tristesse certes, mais aussi une gamme complète de sentiments et d’états de corps. On peut pleurer de joie, rire aux larmes, fondre en larmes par dépit, fatigue ou découragement, tout comme on peut verser des larmes de douleur, de peur et même de colère.

En effet, plusieurs personnes, en particulier chez les femmes, pleurent lorsque la colère monte. Cette réalité étant méconnue, on interprète à tort leurs larmes pour de la tristesse ou de la déprime. Non seulement les femmes pleurent deux à trois fois plus souvent que les hommes, selon la saison, mais elles le font aussi pour des motifs beaucoup plus variés comme sous l’effet de la peur ou d’un stress intense.

Car pleurer sert également à évacuer une forte tension interne, un trop-plein intérieur ressenti. En libérant des hormones de stress, les larmes favorisent le relâchement et la détente.

Alors que certaines larmes sont cathartiques, comme celles que l’on verse au cinéma durant une scène poignante par exemple, d’autres sont empathiques, provoquées par le simple fait d’être touché par l’autre, ému par la situation (voir aussi Ravaler ses larmes).

Les larmes naissent et disparaissent au gré du temps, des événements et des saisons. Indéniablement, elles sont une manifestation de ces variations intérieures, de ces mouvements internes du corps que sont les émotions.



lundi 15 septembre 2014

Être dans sa bulle (2ième partie)


Nous possédons deux bulles, l’une physique, l’autre mentale. La première est la kinésphère. C’est l’espace accessible au corps et ses membres, autrement dit, l’espace personnel (voir Être dans sa bulle, 1ère partie). L’autre bulle, elle, est psychologique. Elle désigne tout simplement la sphère mentale de la concentration.


La bulle mentale – attention et concentration

À l’exception de l’abus psychologique, - où encore une fois, comme c’est le cas dans la dimension physique, l’agresseur s’immisce dans l’espace personnel de sa victime, « entre dans sa tête » pour mieux manipuler ses pensées et influencer ses actions -, c’est habituellement nous qui laissons entrer les autres dans notre sphère mentale. Cela a pour effet de distraire, de préoccuper, de détourner l’attention, bref, d’avoir l’esprit ailleurs.

Véritable cocon psychologique, la bulle mentale est le siège de la concentration. En anglais, on l’appelle également « the zone ». « To be in the zone » veut dire être concentré. Plusieurs athlètes, par exemple, disent écouter de la musique avant une compétition « to get in the zone », atteindre une concentration optimale.

Cette zone, cette sphère psychologique, est l’espace mental où toute l’attention est portée sur un seul et même objectif, mobilisant ainsi les ressources de l’organisme. Occupant pleinement l’espace-temps, l'instant même, cette présence de corps et d’esprit permet de canaliser toute son énergie physique et mentale à l’accomplissement d’une tâche ou d’une réalisation. À son apogée, cet état de pleine concentration peut engendrer une expérience optimale, ou flux*, durant laquelle l’absorption est complète.

Pour y parvenir, l’élimination des distractions ambiantes est souhaitable. Réduire la stimulation sensorielle favorise en effet l’émergence d’un espace mental propice à la concentration. D’une certaine façon, nous appliquons déjà ce principe selon les lieux et les circonstances comme écouter sa musique préférée dans un endroit public, fermer les yeux dans l’autobus ou le métro pour relaxer, ou encore utiliser des bouchons pour les oreilles afin de lire ou de travailler dans un espace bruyant. En fait, tous les moyens sont bons pour diminuer, voire anéantir, les sources externes de stimuli, les sens de l’ouïe et de la vision étant les principaux concernés.

Outre la concentration, la bulle mentale sert également de lieu de vie privilégié, un espace intime et sécurisant où il fait bon se réfugier pour être en paix, réfléchir, méditer, créer, visualiser ses rêves ou le monde idéal, ou encore nourrir son imaginaire.

Seulement, il faut porter attention au contenu de cette sphère psychologique car c’est aussi dans cet espace clos que naissent et s’entretiennent les ruminations de toutes sortes, les pensées obsessives et les boucles mentales anxiogènes pouvant conduire aux crises d’angoisse et aux attaques de panique.

Néfastes et épuisants, ces états de haute tension interne dispersent l’attention et l’énergie dans tous les sens, parvenant à coup sûr à faire éclater sa bulle. 


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*De l’anglais Flow, du psychologue Mihaly Csikszentmihalyi.


lundi 8 septembre 2014

Être dans sa bulle (1ère partie)


Nous possédons deux bulles, l’une physique, l’autre mentale. La première est la kinésphère. C’est l’espace accessible au corps et ses membres, autrement dit, l’espace personnel. L’autre bulle, elle, est psychologique. Elle désigne tout simplement la sphère mentale de la concentration.


La bulle physique - espace et agressivité

Lorsque quelqu’un est trop près de nous, on dit qu’il entre « dans notre bulle ». C’est dans notre espace personnel qu’il s’immisce. Contrairement aux rapprochements désirés, conviant à l’intimité des corps et des âmes, l’intrusion de l’espace personnel, elle, est vécue comme un envahissement, voire une agression. Source potentielle d’affrontement et de violence, espace et agressivité sont intimement liés. La survie en dépend.

Chez les primates en général, délimiter l’espace de chacun est fondamental. Instinctivement, le territoire occupé par un membre en dit long sur sa place dans le clan, c’est-à-dire son rang, son statut social, ses ressources, et ultimement sa force et ses habiletés physiques. Réels ou potentiels, les affrontements sont étroitement liés à l’empiètement du territoire. C’est l’instinct de survie qui entre en lice. 

La riposte elle-même implique une expansion de l’espace comme le gonflement de la posture par exemple. Amplifier l’espace personnel crée l’apparence d’une menace plus forte, plus imposante. Cela signale sa capacité à se défendre et surtout sa volonté à mener une chaude lutte. À lui seul, ce réflexe somatique de défense et de protection suffit bien souvent à effrayer son adversaire, permettant ainsi d’éviter un combat, une conduite risquée et énergivore pour toutes les espèces.

En tauromachie, où le toreador s’oppose à la bête, c’est dans et par l’espace que le courage et la force de chacun se mesurent. Le territoire du taureau étant clairement établi, les repères spatio-temporels sont cruciaux. Un faux-pas vers l’arrière indique la peur, la faiblesse, l’impuissance, alors qu’un seul centimètre entre la corne et l’artère, lui, peut s’avérer fatal. Dans ce sanglant pas de deux, l’espace est littéralement une question de vie ou de mort, celle-ci attendant généralement le perdant (voir aussi Le poing victorieux vs coléreux).

En fait, toute forme d’affrontement, d’agression et même d’abus passent nécessairement par l’envahissement de l’espace, soit par surpopulation, soit par désir de conquérir le territoire de l’autre. La guerre a toujours été une question d’occupation du territoire de l’ennemi, et ultimement, l’acquisition de ses biens, de ses ressources et de son pouvoir.

L’intimidation repose elle aussi sur ce principe puisqu'il s’agit d’un acte délibéré d’intrusion. L’intimidateur s’immisce toujours dans l’espace personnel de sa victime en s’approchant d’elle, en entrant « dans sa bulle » afin de semer la peur et la crainte. Et maintenant que l’espace personnel se projette également dans le virtuel, il est désormais possible d’« entrer en contact », d’« atteindre » l’espace intime de l’autre par la voie du cyberespace.

Sphère personnelle, territoire, intimité ou agressivité, tout peut se jouer en l’espace d’un instant.


lundi 1 septembre 2014

Les phéromones ou la chimie des peaux


Une promenade avec notre chien peut parfois s’avérer embarrassante. Chez la gent canine, toute rencontre avec un autre membre de son espèce implique nécessairement des reniflements mutuels des « extrémités ». Or, en se humant à cœur joie et sans aucune réserve, nos fidèles compagnons procèdent essentiellement à un échange d’informations.

Les phéromones sont des substances chimiques qui agissent comme « messagers » à l’intérieur d’une même espèce. Elles sont comparables aux hormones, issues du même système endocrinien ou neuroendocrinien. Alors que les hormones circulent à l’intérieur du corps, sécrétées par des glandes dites endocrines, les phéromones, elles, se trouvent à l’extérieur du corps, émanant de glandes exocrines. On les retrouve entre autres dans la salive, l’urine, les fèces, les sécrétions vaginales, ou encore à la surface de la peau en raison des glandes sudoripares.

Chez les animaux, les phéromones servent une fonction biologique essentielle à la reproduction. Doté d’une glande voméro-nasale responsable de leur traitement, c’est grâce aux odeurs que l’animal choisit le partenaire sexuel le plus favorable.

Chez les crocodiles, par exemple, durant la période de rut, les femelles libèrent des phéromones dans l’eau pour indiquer au mâle alpha, chef de la hiérarchie, qu’elles sont prêtes pour la copulation. Après que celui-ci ait complété un rituel faisant la démonstration de son pouvoir, la femelle décide alors si la copulation aura lieu ou non (à ce sujet, voir aussi Parades nuptiales; à venir).

Il en est de même chez les cervidés où un « échange » d’urine entre le mâle et la femelle a lieu sur le territoire avant l’accouplement. Muni d’un réflexe voméro-nasal appelé flehmen*, le mâle flaire les phéromones contenues dans l’urine de la femelle en gonflant les lèvres tout en soulevant légèrement la tête.

Chez les humains, en revanche, cet appareil voméro-nasal aurait disparu depuis belle lurette, atrophié par l’évolution du cerveau. Sujet à controverse, le rôle des phéromones chez les humains reste à être démontré. Selon plusieurs scientifiques néanmoins, il existerait un reliquat de l’organe et sa connexion au cerveau. Les odeurs humaines, la sueur notamment, contiendraient des informations chimiques, et même génétiques, qui expliqueraient l’attirance physique. Ces mêmes effluves seraient responsables de la synchronisation des cycles menstruels chez certaines femmes.

Si les phéromones étaient prouvées chez l’humain, peut-être expliqueraient-elles nos affinités avec quelqu’un, ou à l’inverse, notre incapacité à le « sentir » (voir aussi Subodorer). 

Comme quoi parfois, la chimie entre les corps s’exerce, ou non.

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*Mot allemand, se dit aussi muser en français.