lundi 30 mai 2016

Bâiller

Je bâille, tu bâilles, il bâille, nous bâillons, vous bâillez, ils bâillent. Sa simple suggestion déclenche bien souvent ce mouvement involontaire de la mâchoire. Bâiller est contagieux, pourquoi?

Il s’agit là d’une grande question phylogénétique qui demeure toutefois sans réponse. On a longtemps cru que le bâillement était tout simplement un réflexe physiologique présent chez tous les mammifères et, à quelques exceptions près, chez la majorité des vertébrés. De nature échokinésique (1), cette banale contraction musculaire que l’on l’associe au sommeil, à la faim et à l’ennui, accompagnant généralement l’étirement partiel ou complet du corps, serait entre autres déclenché par la vue d’autres bâilleurs.

Or, des études ont démontré que les personnes non-voyantes bâillent elles aussi par imitation, preuve que cette contagion n’est pas induite strictement par un stimulus visuel. Par ailleurs, les personnes schizoïdes et autistes ne bâillent pas en réaction à un autre, suggérant qu’une capacité empathique serait donc en jeu, générée, celle-ci, par les neurones miroirs. Cette hypothèse expliquerait la présence d’autres neurotransmetteurs comme la dopamine et l’ocytocine (voir Plaisir et dopamine et Le cœur et l’attachement).

Même si l’on reconnaît les effets apaisants du bâillement, comme le relâchement des muscles du visage et du corps en général, sa fonction physiologique demeure néanmoins floue. Alors que plusieurs prétendent qu’il servirait à oxygéner le cerveau, d’autres suggèrent plutôt qu’il permet de le refroidir.

À cet égard, soulignons que non seulement les oiseaux, les poissons et les reptiles bâillent eux aussi, mais que le crocodile présente un autre phénomène tout aussi fascinant, celui de demeurer la gueule ouverte des heures durant afin de refroidir son cerveau. C’est peut-être ça, bâiller à s’en décrocher la mâchoire.

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(1) L'échokinésie (ou échopraxie) est la tendance involontaire spontanée à répéter ou à imiter les mouvements d'un autre individu.

lundi 16 mai 2016

Émotion, mouvement interne du corps

Du latin exmovere, ex préfixe pour « extérieur » et movere signifiant « mouvoir » ou « se mouvoir », une émotion est un mouvement interne du corps qui tend naturellement vers son expression. 

D’entrée de jeu, la racine étymologique jette les bases au caractère dynamique et éphémère des émotions - que l’on retrouve également en anglais, issu de la même source, avec le mot "emotion", "motion" voulant dire mouvement.

À lui seul, le mot émotion évoque un élan, une force intérieure pouvant conduire à un geste, une parole, une action ou encore un état, servant à l’exprimer. Car c’est l’expression de l’émotion, verbale ou non, qui assure la complétion de ce mouvement interne du corps. 

Dans ce contexte alors, tout arrêt ou freinage, toute tentative d’interruption de ce micromouvement, comme la rétention ou la contention des émotions par exemples, est non seulement contre-nature mais exige un effort, une énergie équivalente à celle soulevée par l’émotion, appelé effort de contention (1). 

Ce dernier non seulement accapare les ressources de l’organisme humain mais, à la longue, épuise le corps qui montre alors des signes de vulnérabilité, de faiblesse, par l’apparition de symptômes physiques et/ou psychologiques - les deux allant de pair (à ce propos, consultez Le psychosomatique n’est pas dans la tête). 

Une émotion doit donc voir le jour. C’est là le cours naturel de ce mouvement intérieur et, littéralement, sa raison d’être. 

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(1) Inévitablement, la rétention ou la contention d’un mouvement fait naître une deuxième force. C’est là un principe même de la mécanique des mouvements, la troisième loi de Newton ou principe des actions réciproques, qui stipule : « L'action est toujours égale à la réaction; c'est-à-dire que les actions de deux corps l'un sur l'autre sont toujours égales et dans des directions contraires ». Concernant la notion d’effort, vous pouvez également consulter Effort et habitude.

Nota bene - Pour en savoir plus sur les émotions comme mouvements internes du corps, consultez l'article Le mouvement des émotions et la climatologie des corps.


lundi 2 mai 2016

Ravaler ses larmes

Le corps est un puissant outil d’expression. C’est grâce au corps physique que nous parvenons à parler, à gesticuler, à jouer, à danser, bref, à communiquer avec les autres, à partager nos pensées, nos émotions, nos sentiments, et même à raconter des histoires, sublimant ainsi la nôtre.

À un point tel que ce qui n’est pas exprimé demeure dans le corps, les tensions se transformant en symptômes physiques et psychologiques. Dite psycho-corporelle ou psychosomatique, c’est aussi là une forme d’expression (ex-pression) (voir Le psychosomatique n’est pas dans la tête). Somme toute, les accumulations finissent toujours par voir le jour que se soit sous forme de mots, de larmes ou de maux (voir aussi Les trop-pleins intérieurs et Larmes et gamme d’émotions).

Servant d’entraves à cette expression, il existe de nombreux mécanismes de défense comme le déni, le refoulement ou la contention, par exemples. L’un d’eux, un fascinant phénomène somatique observé maintes fois en milieu clinique, consiste à lutter contre l’écoulement naturel des larmes naissantes jusqu’à ce que celles-ci disparaissent complètement. Ravaler ses larmes est un élan du corps avorté, une interruption des réactions naturelles du corps.

Généralement initié par un toussotement, un subtil raclage de la gorge et l’usage, parfois excessif, de la parole, cette résistance fait appel à la rationalisation, aux fonctions cognitives et rationnelles comme les centres du langage notamment, afin de mieux balayer les émotions montantes et étouffer le ressenti. 

Pour plusieurs, ce refus de pleurer est lié à une interdiction parentale, celle de se montrer vulnérable devant les autres. Les « cesse de pleurnicher » ou « vas pleurer dans ta chambre » encouragent non seulement la répression des émotions et l’isolement, mais signalent par surcroît que toute forme d’expression des émotions est répréhensible. Perçues comme des « têtes fortes » ou même des « entêtées », ces personnes tiennent mordicus « à tenir bon » devant les autres, à n’afficher aucune faiblesse, aucun signe de vulnérabilité. Pourtant, si la douleur est humaine, la vulnérabilité l’est tout autant.