Je
bâille, tu bâilles, il bâille, nous bâillons, vous bâillez, ils bâillent. Sa
simple suggestion déclenche bien souvent ce mouvement involontaire de la
mâchoire. Bâiller est contagieux, pourquoi?
Il
s’agit là d’une grande question phylogénétique qui demeure toutefois sans
réponse. On a longtemps cru que le bâillement était tout simplement un réflexe
physiologique présent chez tous les mammifères et, à quelques exceptions près,
chez la majorité des vertébrés. De nature échokinésique (1), cette banale
contraction musculaire que l’on l’associe au sommeil, à la faim et à l’ennui,
accompagnant généralement l’étirement partiel ou complet du corps, serait entre
autres déclenché par la vue d’autres bâilleurs.
Or,
des études ont démontré que les personnes
non-voyantes bâillent elles aussi par imitation, preuve que cette contagion
n’est pas induite strictement par un stimulus visuel. Par ailleurs, les
personnes schizoïdes et autistes ne bâillent pas en réaction à un autre, suggérant
qu’une capacité empathique serait donc en jeu, générée, celle-ci, par les
neurones miroirs. Cette hypothèse expliquerait la présence d’autres neurotransmetteurs
comme la dopamine et l’ocytocine (voir Plaisir et dopamine
et Le cœur et l’attachement).
Même
si l’on reconnaît les effets apaisants du bâillement, comme le relâchement des
muscles du visage et du corps en général, sa fonction physiologique demeure
néanmoins floue. Alors que plusieurs prétendent qu’il servirait à oxygéner le cerveau, d’autres
suggèrent plutôt qu’il permet de le refroidir.
À cet égard, soulignons que non seulement les oiseaux, les poissons et les reptiles bâillent
eux aussi, mais que le crocodile présente un autre phénomène tout aussi
fascinant, celui de demeurer la gueule ouverte des heures durant afin de refroidir son cerveau. C’est peut-être ça, bâiller à s’en décrocher la mâchoire.
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(1)
L'échokinésie (ou échopraxie) est la tendance involontaire spontanée à répéter
ou à imiter les mouvements d'un autre individu.