lundi 2 mai 2016

Ravaler ses larmes

Le corps est un puissant outil d’expression. C’est grâce au corps physique que nous parvenons à parler, à gesticuler, à jouer, à danser, bref, à communiquer avec les autres, à partager nos pensées, nos émotions, nos sentiments, et même à raconter des histoires, sublimant ainsi la nôtre.

À un point tel que ce qui n’est pas exprimé demeure dans le corps, les tensions se transformant en symptômes physiques et psychologiques. Dite psycho-corporelle ou psychosomatique, c’est aussi là une forme d’expression (ex-pression) (voir Le psychosomatique n’est pas dans la tête). Somme toute, les accumulations finissent toujours par voir le jour que se soit sous forme de mots, de larmes ou de maux (voir aussi Les trop-pleins intérieurs et Larmes et gamme d’émotions).

Servant d’entraves à cette expression, il existe de nombreux mécanismes de défense comme le déni, le refoulement ou la contention, par exemples. L’un d’eux, un fascinant phénomène somatique observé maintes fois en milieu clinique, consiste à lutter contre l’écoulement naturel des larmes naissantes jusqu’à ce que celles-ci disparaissent complètement. Ravaler ses larmes est un élan du corps avorté, une interruption des réactions naturelles du corps.

Généralement initié par un toussotement, un subtil raclage de la gorge et l’usage, parfois excessif, de la parole, cette résistance fait appel à la rationalisation, aux fonctions cognitives et rationnelles comme les centres du langage notamment, afin de mieux balayer les émotions montantes et étouffer le ressenti. 

Pour plusieurs, ce refus de pleurer est lié à une interdiction parentale, celle de se montrer vulnérable devant les autres. Les « cesse de pleurnicher » ou « vas pleurer dans ta chambre » encouragent non seulement la répression des émotions et l’isolement, mais signalent par surcroît que toute forme d’expression des émotions est répréhensible. Perçues comme des « têtes fortes » ou même des « entêtées », ces personnes tiennent mordicus « à tenir bon » devant les autres, à n’afficher aucune faiblesse, aucun signe de vulnérabilité. Pourtant, si la douleur est humaine, la vulnérabilité l’est tout autant.