Nous possédons deux bulles, l’une physique,
l’autre mentale. La première est la kinésphère. C’est l’espace accessible au
corps et ses membres, autrement dit, l’espace personnel. L’autre bulle, elle,
est psychologique. Elle désigne tout simplement la sphère mentale de la
concentration.
La bulle physique - espace et
agressivité
Lorsque quelqu’un est trop près de nous, on
dit qu’il entre « dans notre bulle ». C’est dans notre espace
personnel qu’il s’immisce. Contrairement aux rapprochements désirés, conviant à
l’intimité des corps et des âmes, l’intrusion de l’espace personnel, elle, est
vécue comme un envahissement, voire une agression. Source potentielle d’affrontement
et de violence, espace et agressivité sont intimement liés. La survie en
dépend.
Chez les primates en général, délimiter
l’espace de chacun est fondamental. Instinctivement, le territoire occupé par
un membre en dit long sur sa place dans le clan, c’est-à-dire son rang, son
statut social, ses ressources, et ultimement sa force et ses habiletés
physiques. Réels ou potentiels, les affrontements sont étroitement liés à
l’empiètement du territoire. C’est l’instinct de survie qui entre en lice.
La riposte elle-même implique une expansion
de l’espace comme le gonflement de la posture par exemple. Amplifier l’espace
personnel crée l’apparence d’une menace plus forte, plus imposante. Cela signale
sa capacité à se défendre et surtout sa volonté à mener une chaude lutte. À lui
seul, ce réflexe somatique de défense et de protection suffit bien souvent à
effrayer son adversaire, permettant ainsi d’éviter un combat, une conduite
risquée et énergivore pour toutes les espèces.
En tauromachie, où le toreador s’oppose à la bête, c’est dans et par l’espace que le courage et la force de chacun se mesurent. Le
territoire du taureau étant clairement établi, les repères spatio-temporels
sont cruciaux. Un faux-pas vers l’arrière indique la peur, la faiblesse, l’impuissance,
alors qu’un seul centimètre entre la corne et l’artère, lui, peut s’avérer
fatal. Dans ce sanglant pas de deux, l’espace
est littéralement une question de vie ou de mort, celle-ci attendant généralement
le perdant (voir aussi Le poing victorieux vs coléreux).
En fait, toute forme d’affrontement, d’agression et même
d’abus passent nécessairement par l’envahissement de l’espace, soit par
surpopulation, soit par désir de conquérir le territoire de l’autre. La guerre
a toujours été une question d’occupation du territoire de l’ennemi, et
ultimement, l’acquisition de ses biens, de ses ressources et de son pouvoir.
L’intimidation repose elle aussi sur ce
principe puisqu'il s’agit d’un acte délibéré d’intrusion. L’intimidateur s’immisce
toujours dans l’espace personnel de sa victime en s’approchant d’elle, en
entrant « dans sa bulle » afin de semer la peur et la crainte. Et maintenant
que l’espace personnel se projette également dans le virtuel, il est désormais
possible d’« entrer en contact », d’« atteindre » l’espace
intime de l’autre par la voie du cyberespace.
Sphère personnelle, territoire, intimité ou
agressivité, tout peut se jouer en l’espace d’un instant.