La découverte de Darwin sur les origines primitives de
l’être humain avait complètement secoué le monde au 19ième siècle.
Aujourd’hui toutefois, on entend couramment parler du « côté animal » de l’être humain, comme si, à l’instar
de Spock (1), cohabitaient en nous deux moitiés, l’une humaine, l’autre
animale, et donc forcément une « bonne » et une
« mauvaise » (2).
En opposant inlassablement la raison à l’instinct, la pensée
aux émotions, la tête au « reste du corps », les « hautes »
fonctions cognitives aux « bas » instincts corporels, et donc inévitablement,
le néocortex aux soubassements cérébraux, un discours dualiste suggère un
duel intérieur. Il nous renvoie l’image d’un affrontement constant entre des forces
intérieures opposées, un combat perpétuel entre un être rationnel et civilisé versus une bête sauvage et féroce.
Or, puisqu’il s’agit d’une évolution – et nous reviendrons sur le point de vue
neurologique à cet égard ultérieurement –, il n’existe pas de dualité
comme telle, de côtés « humain » et « animal » à proprement
parler. Il faut plutôt parler d’influences.
Similairement à la plante dont les racines sont essentielles
à son développement et à sa floraison, les facultés cognitives et hautement
développées de l’organisme humain trouvent leurs assises dans une solide fondation où s’imbriquent les instincts, les pulsions basiques et les émotions. La raison repose ainsi sur
des forces primitives, et les comportements civilisés qui en découlent prennent
eux aussi racine dans ces puissants élans pulsionnels et autres mouvements
internes du corps.
Ce sont ces mêmes forces originelles qui ont conduit nos
ancêtres à modifier leur posture et qui
nous ont guidés jusqu’ici. Ensemble, ou mieux encore à l’unisson, la raison et
l’instinct prennent toujours les meilleures décisions.
Par ailleurs, marcher la tête haute donne du chien. L’un
n’empêche pas l’autre.
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(1) Personnage culte
de la série américaine et films « Star Trek », Spock ou
Monsieur Spock est mi-humain (côté maternel) et mi-Vulcain (côté paternel). Se
réfugiant dans le caractère rationnel des Vulcains, il domine les émotions
humaines par le refoulement, la pensée logique et rationnelle, un processus
cognitif appelé kolinahr. Incarnant le
contrôle et la maîtrise de soi, le célèbre personnage apparaît habituellement
vêtu d’un chandail bleu clair suggérant un tempérament froid, un être contenu, indifférent, voire insensible, comme
dans les expressions « rester de glace », « garder son sang-froid »
ou la « tête froide ».
(2) Étant ce qu’ils sont, les systèmes binaires
(bon-mauvais, féminin-masculin, gauche-droite, etc.) obligent à faire un choix,
voire à camper une position, alors qu’il existe bien souvent un continuum de
zones grises entre deux extrêmes, des états intermédiaires entre deux positions,
comme on le constate avec l’identité sexuelle par exemple.