On résume souvent le darwinisme à la
« loi du plus fort », une approche simpliste, la
vision de Darwin étant beaucoup plus complexe.
Charles Darwin (1809-1882) était un naturaliste anglais. Influencé par les travaux
de Huxley, et peut-être même, inconsciemment, par ceux de son grand-père
paternel Erasmus, qui fut l’un des premiers à développer une théorie de
transformation des organismes et des espèces en fonction de leurs besoins (1), il
devint célèbre pour sa théorie de l’évolution par la sélection naturelle.
Piètre élève à l’école, plus passionné de
coléoptères et de chasse (qu’il abandonna plus tard par respect pour la vie
animale), Darwin monte à bord du Beagle en 1831
pour un périple de cinq ans, durant lequel il trouva sa voie et documenta sans
relâche ses observations.
Son œuvre maîtresse, et des plus
controversée à l’époque, « De l’origine des espèces » (1859), fut un
ouvrage révolutionnaire. Son impact sur toutes les branches de la science,
naturelles et biologiques particulièrement, est tout simplement incommensurable
(2).
S’il est vrai que le thème central de
l’œuvre darwinienne repose sur la lutte des espèces pour leur existence, Darwin
a également parlé d’instinct, d’apprentissage, de diversité, de l’intelligence
du vivant et, plus important encore, dans le contexte qui nous intéresse, d’adaptation
(3).
Force et adaptation
La force se définit comme un ensemble
d’énergies en vue d’une action. Elle fait appel à
la vigueur, au degré de puissance appliquée à cette action. L’adaptation, pour
sa part, fait référence à la capacité que possède un être vivant à se mettre en
accord avec son milieu, lequel exerce une pression sur celui-ci. Elle exige de
l’attention, de « l’écoute », et surtout, de la flexibilité. À
l’instar de la fable de la Fontaine « Le chêne et le roseau », cette
capacité à plier sous la menace de vents violents s’avère être une force de
caractère.
Plus que tout, Darwin a souligné
l’importance des variations naturelles qui permettent de s’adapter à son environnement. Ce n’est donc pas
« Fight or Die » (Lutter ou mourir) ou la « loi du plus fort » qui résume
la vision darwinienne, mais plutôt « Adapt or Die » (S’adapter ou mourir)
ou « la survie du plus apte » (4).
Scandale hérétique et atteinte narcissique
Le scandale provoqué par la théorie de
Darwin à l’époque victorienne, alors que le créationnisme régnait en force, ne
résidait pas seulement dans le dévoilement d’un lien de parenté entre les
humains et les singes, mais aussi parce qu’elle venait ébranler une croyance profondément
ancrée dans l’esprit humain, la fixité des espèces.
L’immuabilité des phénomènes naturels, et
par le fait même des idées et des concepts qui les expliquent, était sans doute
à l’époque une vision réconfortante, voire sécurisante, puisque fermée et
invariable. En revanche, le mouvement perpétuel de la vie et la transmutation
des espèces qui en résulte mettaient non seulement en péril la place et le rôle
de l’être humain, qui jusque-là s’était positionné au centre de la Création et
son ultime dessein, mais l’assujettit lui aussi à ces cycles de transformation
perpétuelle. Dès lors, l’être humain devient un animal comme les autres.
Nous savons depuis belle lurette que Darwin
avait raison (même qu’on exploite aujourd'hui ce filon animal – voir Animal social et publicité). La
planète Terre est beaucoup plus vielle qu’on ne le croyait à l’époque, la
découverte de l’ADN, près de 100 ans plus tard, est venue expliquer le
processus même de cette sélection naturelle, et les chaînons manquants ont été
comblés depuis.
Comme quoi, on n’arrête pas l’évolution.
Comme quoi, on n’arrête pas l’évolution.
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(1) Dans son « Autobiographie » (2008), Darwin soutient que l’ouvrage de son grand-père,
« Zoonomie, ou les Lois de la vie organique »
(1801) n’a eu aucune influence sur ses travaux. Il
n’en demeure pas moins étonnant de constater le lien intergénérationnel pour un
même champ d’intérêt. Certains auteurs suggèrent même que Charles a réussi là
où le grand-père avait échoué.
(2) Notons que Darwin a écrit d’autres
ouvrages phares dont « L’expression des émotions chez l’homme et les
animaux » (1872), fondement même de la psychologie des émotions.
(3) Darwin a par ailleurs écrit que
« l’animal le plus dangereux » et
« le plus destructeur de tous » était sans contredit
« l’homme » (L’instinct, 2009, p.31,
35).
(4) Il est important de distinguer darwinisme et eugénisme qui applique à tort la
théorie de l’évolution à la société, prônant l’extinction des « plus
faibles ». À cet égard, Darwin a plutôt parlé d’instincts sociaux qui favorisent l’entraide, le développement de la civilisation et de
l’éducation, créant ainsi un effet de rupture
(P. Tort) dans le mouvement évolutif.
[Tort, P. (2009). Darwin et le darwinisme.
Paris : PUF.]