lundi 19 septembre 2016

Ressentir, le 6ième sens

Goûter, toucher, entendre, voir, sentir… et ressentir. 

On reconnaît depuis belle lurette les phénomènes de la perception et les cinq sens traditionnels (le goût, le toucher, l’ouïe, la vision et l’odorat), principalement parce que leurs organes respectifs (la langue, la peau, les oreilles, les yeux et le nez) sont externes ou tout le moins visibles à l’œil nu (voir L’œil scientifique).

Pourtant, cette notion établie depuis Aristote, et donc plus de 300 ans avant notre ère, est révolue et erronée, car incomplète. Il existe bel et bien d’autres formes de captation sensorielle, tout aussi essentielles au bon fonctionnement de l’organisme humain, mais beaucoup plus subtiles celles-là, comme la proprioception, permettant de s’orienter dans l’espace-temps, de se mouvoir, la thermoception, décelant la chaleur et les changements de température, ou encore le ressenti (voir aussi Le 6ième sens, une question de perception).

En effet, l’être humain est doté d’une perception kinesthésique relevant de propriétés dites somesthésiques, c’est-à-dire de la sensibilité du corps, qui permet, similairement aux requins (1), de détecter les variations présentes dans son environnement tant interne qu’externe. À l’instar du baromètre, le corps agit comme un vibrant instrument de mesure du milieu ambiant, capable de sentir, de ressentir et de traduire ces stimuli afin de les transmettre au système nerveux central sous forme d’influx nerveux. La captation de ces infimes fluctuations constitue le ressenti.

Alors que les mécanismes qui sous-tendent la perception par le ressenti demeurent à être clairement identifiés, ceux-ci apparaissent intimement liés à l’intuition, un savoir intime, intangible et pourtant bien réel, régie par le ventre, plus précisément par les tripes, les viscères et certains nerfs conducteurs comme les nerfs vagues et pelviens. 

On reconnaît en effet l’intestin comme le « deuxième cerveau » du corps humain, produisant 95% de toute la sérotonine présente dans le corps, une neurohormone entre autres impliquée dans les rythmes circadiens et divers troubles mentaux comme la dépression et la schizophrénie. Cette découverte a provoqué un véritable essor dans les domaines de la neuro-gastro-entérologie cherchant une explication à l’importante présence du neurotransmetteur dans les parois intestinales, en plus d’éclaircir les mécanismes autorégulateurs du système nerveux entérique (voir Les deux cerveaux du corps humain). 

Par ailleurs, comme tous les autres sens, le ressenti possède lui aussi son expérience sensorielle optimale, triper (voir Triper, le plaisir viscéral). 

Ressentir constitue notre 6ième sens, et la sensibilité qu’elle exige une forme d’intelligence (voir aussi L’hypersensibilité). 

Il est temps de remettre les pendules à l’heure. 


Nota bene - Pour plus d’informations concernant le ressenti, vous pouvez également consulter l’article de la même auteure Le mouvement des émotions et la climatologie des corps.


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(1) Munis d’ampoules de Lorenzini, les requins peuvent déceler les changements de température ainsi que les variations électromagnétiques présentes dans leur environnement, notamment celles émises par les muscles des créatures vivantes.