lundi 2 février 2015

Apathie et états dissociatifs


Les émotions perturbent. De fait, selon Hans Selye, père-fondateur du concept de stress et de ses effets nocifs sur la santé, les émotions constituent la principale source de stress chez l’être humain. Ce n’est pas peu dire.

Pour contrer ces « troublants » mouvements internes du corps, certains usent de mécanismes de défense comme le déni, le refoulement ou la contention par exemples, alors que d’autres se munissent plutôt d’une armure apathique.

Sorte d’« engourdissement » général du corps, de déconnexion kinesthésique, l’apathie sert foncièrement à prévenir l’émergence des émotions et ultimement leur ressenti. Apparaissant froids, flegmatiques ou même insensibles, plusieurs d’entre eux comprennent les émotions. Certains arrivent même à faire preuve d’« empathie » envers les autres, étant capables de raisonnement, de conscience morale, bref, de distinguer le bien du mal. Toutefois, et c’est là toute la différence, ils n’éprouvent pas les émotions en tant que telles, ayant éradiqué toute sensation émotionnelle. Dans ce cas-ci, le débranchement somatique étant complet, pas une seule once d’émotion ne fait frémir leur corps.

Cet état d’abnégation, voire de négation, émotionnelle qu’est l’apathie se différencie toutefois de la dissociation. Tel que mentionné antérieurement (voir Choc et état second), la dissociation est un puissant mécanisme de défense et de protection durant lequel l’esprit est ailleurs, « détaché » du corps physique, et plus souvent qu’autrement, loin d’une douleur physique ou morale intense.

Résultant d’un traumatisme grave, la dissociation se produit sous le coup du choc, et aux suites de celui-ci comme c’est le cas avec le trouble de stress post-traumatique. À long terme cependant, ce clivage entre le corps et l’esprit peut avoir des répercussions importantes sur la conscience et la santé globale, c’est-à-dire mentale et physique.

Outre la dissociation, durant laquelle la distance entre le corps et l’esprit atteint son paroxysme, il existe des formes intermédiaires d’états dissociatifs. Certains sont subis, c’est le cas avec l’état second notamment, alors que d’autres sont provoqués, voire recherchés, puisque induits par l’absorption d’une substance quelconque.

La plus courante réside sans contredit dans la consommation d’alcool. Légal et populaire, l’alcool est non seulement accepté et socialement acceptable, il fait partie intégrante des fêtes et des célébrations, un puissant liant et stimulant social. Agissant directement sur la conscience, l’alcool peut aussi conduire à la perte totale de conscience et de connaissance. L’abus, la consommation chronique ou encore la surconsommation subite et spontanée d’alcool, comme la mode du Binge Drinking par exemple, constituent pour plusieurs un moyen efficace de « s’assommer » et d’oublier ses ennuis.

Il en est de même évidemment pour toute forme d’intoxication du corps. Qu’ils s’agissent de drogues douces ou fortes, de substances stimulantes, de médicaments - sédatifs, analgésiques, stupéfiants opioïdes ou autres -, et même dans certains cas de nourriture (1), toutes ces substances servent principalement à engourdir le corps, à le « geler » temporairement afin d’anéantir ou tout le moins apaiser la souffrance ressentie.

Sans être issu d’un traumatisme grave, ces états dissociatifs intermédiaires servent ultimement le même objectif, celui de distancer l’esprit du corps en altérant la conscience. Momentanément, ils permettent d’oublier les problèmes et les soucis, « d’assommer » l’anxiété ou l’ennui, de déconnecter du stress et des tensions, en somme, de quitter temporairement le corps, les douleurs et le vague à l’âme.

Enfin, dans certains rituels chamaniques, l’état de conscience altéré induit par l’utilisation de psychotropes est recherché afin d’atteindre un état d’extase ou de transe servant à la guérison. En revanche, elle peut également déclencher un état psychotique chez certaines personnes. Distincte de la dissociation, la psychose se caractérise par un déphasage entre la réalité et la perception.


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(1) Certaines personnes souffrant de boulimie témoignent d’une relation à la nourriture similaire à la drogue qu’elles consomment en grande quantité afin d’obtenir cet effet d’endormissement du corps.