Des
femmes violentées. Elles sont nombreuses, trop nombreuses même depuis quelques
temps, mais au moins elles sortent de l’ombre, prennent la parole et dénoncent
leur agresseur. C’est ça qui importe. Leur terrible expérience et leur courageux
témoignage doivent servir : le corps fige lors de l’agression. C’est l’émotion
de la peur qui s’empare aussi de leur corps.
Agression sexuelle, le choc des mentalités
Agression sexuelle, le choc des mentalités
Suite
à des révélations d’agression physique, psychologique et sexuelle, le public et
les proches jugent généralement, et paradoxalement, beaucoup plus sévèrement la
victime que l’agresseur, qui, lui, a pourtant enfreint la loi et la dignité
humaine. Certains
ont du mal à comprendre la réaction des victimes qui ont choisi de se taire
plutôt que de dénoncer sur-le-champ, alors qu’elles tentaient de se libérer
d’une lourde honte, laquelle, au fond, ne leur appartient pas.
D’autres,
étrangement, cherchent plutôt dans leur comportement, leur passé sexuel ou
encore leur tenue vestimentaire, l’élément déclencheur qui leur imputerait une
part de responsabilité, qui justifierait un tel acte.
Et qu’est-ce que tout cela a à voir avec la notion de consentement?
Et qu’est-ce que tout cela a à voir avec la notion de consentement?
Plusieurs
semblent l’oublier, ou l’ignorent tout simplement, les abuseurs possèdent dans
leur arsenal l’arme la plus puissante qui soit, le contrôle de l’autre par la
peur.
Oui,
la peur.
Celle
qu’on utilise pour manipuler des enfants, des femmes, des hommes et des sociétés
entières, afin que l’agresseur (un violeur ou un état impérialiste, par
exemples) puisse contrôler sa proie (un individu ou un pays entier) afin de commettre
un sale acte souvent illégal, immoral et inhumain, et convaincre tout le monde
par surcroît du bien fondé de ses actions.
C’est
cette même psychologie de la peur qui a servi de cadre social et d’étau psychologique
aux Nazis : « Bien entendu, le peuple ne veut
pas de guerre.
Le
peuple peut toujours être converti à la cause des dirigeants. Cela est facile.
Tout ce qu'il suffit de faire, c'est de leur dire qu'ils sont attaqués et
dénoncer les pacifistes pour leur manque de patriotisme qui expose le pays au
danger. Cela marche de la même manière dans tous les pays » (1).
Pays
ou individu, la stratégie est la même : faire planer la possibilité d’une conséquence
grave, d’un danger imminent, induire la peur par la menace, la violence, les
agressions afin de dominer l’autre et, somme toute, le neutraliser.
L’émotion de la peur
La
peur est une puissante émotion primaire profondément et fermement enfouie dans
notre passé primitif qui s’accompagne d’une violente et saisissante réaction
physique automatique, le figement.
« Parce que j’ai
figé, que j’ai eu peur, que j'ai cédé », relate l’une d’entre elle (2).
Combien
de femmes ont figé face à leur agresseur, plus souvent qu’autrement un
homme qu’elle connaissait pourtant bien, un collègue de travail, quelqu’un
qu’elle côtoyait régulièrement - et non pas le bonhomme sept heure surgissant des
buissons -, puisque c’est là la réaction fondamentale de l’organisme humain
sous l’emprise de la peur.
La peur
et l’incompréhension. Deux ingrédients implosifs provoquant une réaction en
chaine psychomotrice brusque, soudaine et incontrôlable, la paralysie
momentanée (voir aussi Freeze! Le figement et La peur au ventre).
Viennent
ensuite l’état de choc et ses états intermédiaires qui, en apparence, ne semblent
pas servir la victime, mais jouent précisément ce rôle; absorber le coup du
traumatisme et les trop fortes émotions qui en émergent (voir Choc et état second).
Et
malgré tout cela, malgré l’horreur de l’agression, le traumatisme à la fois
physique et psychologique subi, la violence des propos de l’entourage – combien
d’entre elles ont été accusées de mentir ou de détruire la vie de l’agresseur
en le dénonçant? -, on exige de ces femmes qu’elles crient haut et fort leur indignation, qu’elles dénoncent sous le coup et
sur-le-champ, en plus de prouver leur
innocence.
Alors
que ces femmes sont meurtries, pansant leurs blessures en silence et bien souvent en
solitaire, elles devraient en plus se lever et aller à la guerre, une guerre
sociale et juridique sous la huée et le mépris de nombreux spectateurs assoiffés
de détails tordus et d’émotions fortes.
Et
quoi encore?
Ah oui,
retourner « à la normal » le plus rapidement possible,
travailler, tenir maison, élever les enfants, être une superwoman, le corps hanté par le souvenir de la peur.
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(1) Le Nazi Marshall Hermann Goerin durant le procès Nuremberg.
Tiré du film
Hijacking
Catastrophe – 9/11, Fear & The Selling of American Empire
réalisé
par Sut Jhally and Jeremy Earp en 2004.
(2) Tiré
du témoignage d’Alice Paquet dans « Elle a pas l’air d’une fille qui s’est fait violer ».